Olivia Ruiz, avec une rugosité nouvelle

Explosive sur scène, Olivia Ruiz sait aussi se montrer profonde et grave. La preuve avec Le calme et la tempête, son quatrième album. Rencontre en attendant de la retrouver en mai aux Francomanias.

Olivia Ruiz vient de sortir son quatrième album «Le calme et la tempête», qu’elle défendra en mai prochain aux Francomanias. © Jean-Baptiste Mondino

Eric Bulliard

Elle est partie à Cuba, puis à Los Angeles. Besoin de s’évader, envie de composer. Trois ans après la sortie de Miss Météores, Olivia Ruiz revient avec Le calme et la tempête, un quatrième album épatant d’assurance et de mélancolies élégantes. Rencontre lors d’un récent passage à Genève, en attendant de la retrouver aux prochaines Francomanias de Bulle. «LE festival», se réjouit-elle.

Pour la première fois, vous sortez un album uniquement composé de vos propres textes et musiques…
Je n’ai pas l’impression que ça change beaucoup: sur Miss Météores, j’avais écrit tous les textes et les musiques avaient été composées à deux, avec Mathias Malzieu. Je ne me suis pas rendu compte que ce disque-là allait arriver avec des chansons 100% à moi. En rentrant de voyage, je pensais composer avec mes amis, mais j’avais quinze chansons et le disque était là…

Ces voyages, vous les avez faits avec pour objectif d’écrire des chansons?
Il y a eu deux-trois petites choses qui m’ont donné envie de prendre le large. Par exemple, je me suis fait piquer mon portable et ça s’est retrouvé dans les journaux. J’étais en colère: comment avaient-ils pu le savoir? J’ai eu la sale sensation d’être épiée… J’ai demandé à mon frère de me conseiller un endroit où je n’étais jamais allée, où je me sentirais en sécurité en tant que fille seule, où je pourrais rencontrer des gens, où je parle la langue… Sans hésiter, il m’a dit: va à Cuba. Et il avait raison.

On ne rencontre pas les mêmes problèmes à 28 ans qu’à bientôt 33. Ma façon de voir les choses a changé. Petit à petit, le calme prend le pas sur la tempête, ce qui me paraissait impossible il y a dix ans, quand je croyais que je serais toujours impétueuse et en colère…

Au moment de la sortie du disque, est-ce que vous avez la sensation de le porter davantage, d’avoir plus de responsabilités?
Quand il a été fini, j’ai eu un vertige: s’il ne plaisait pas, je serais seule à assumer. Mais depuis que j’ai commencé les interviews, c’est oublié, parce que, pour l’instant, les retours des journalistes sont positifs: il semble que ce soit souvent leur disque préféré de ma discographie. On le trouve plus profond. Peut-être parce que je grandis, je vieillis… Plus sombre aussi… Parce qu’il y a cinq ans entre le moment où j’ai écrit les chansons de Miss Météores et Le calme et la tempête. Cinq années d’expérience de vie supplémentaires, donc un peu plus de rugosité. On ne rencontre pas les mêmes problèmes à 28 ans qu’à bientôt 33. Ma façon de voir les choses a changé. Petit à petit, le calme prend le pas sur la tempête, ce qui me paraissait impossible il y a dix ans, quand je croyais que je serais toujours impétueuse et en colère… Mais j’ai toujours écrit de manière sombre. Saule pleureur, Elle panique ou Belle à en crever, qui se trouvaient sur Miss Météores, n’étaient pas des chansons très gaies…

Comment vous êtes-vous retrouvée à enregistrer à Los Angeles, chez Tony Berg (Beck, Charlie Winston)?
Par hasard. J’étais allée m’isoler à Los Angeles, pour composer, et un ami m’a dit: je t’envoie un copain à moi, parce que tu vas finir par déprimer… Le pote arrive et me propose de visiter un home studio. Nous avons atterri chez Tony et j’ai craqué sur ce tout petit studio, sur ce mec d’une soixantaine d’années, qui a une grosse expérience, une connaissance harmonique dingue… J’ai craqué sur son binôme, Shawn Everett, le mixeur-enregistreur de l’album. Et le fait qu’on vive au milieu de la famille de Tony, avec son épouse, ses enfants… En entrant dans le studio, j’ai vu tous les instruments que j’aime: un vrai célesta, des charangos… Je me suis dit: c’est ici et maintenant! Je suis rentrée à Paris et un mois plus tard je revenais à Los Angeles pour proposer à Tony d’essayer d’enregistrer deux chansons. Ce registre musical lui était étranger, mais je pensais que ça nous permettrait d’apporter des choses tous les deux. J’ai traduit tous les textes, ils ont commencé à s’imprégner du contenu des chansons et c’était parti… Au fil des écoutes, on découvre nombre de bruitages, de finesses sonores…

C’est un album qui s’écoute très bien au casque…
Au moins une fois, parce qu’on s’est assez embêté sur toutes ces subtilités pour qu’on les entende! Shawn est un geek, qui fait des trucs incroyables. Une fois, je suis partie faire une interview et en revenant je dis: «C’est quoi ce solo de saxophone? Je déteste le saxophone, qu’est-ce que vous m’avez fait là?» Shawn me dit: «Mais la mélodie du saxophone te plaît?» Et, en deux temps trois mouvements, il me propose dix sons différents qui sonnaient comme n’importe quel instrument sauf du saxophone. J’ai eu plein de surprises comme celle-ci. J’ai beaucoup appris au contact de Shawn, qui a une culture sonore différente de la mienne.

Pourquoi clore l’album avec cette version du traditionnel mexicain La Llorona?
Depuis très longtemps, dans la famille, on adore cette chanson. Sur la tournée précédente, je la chantais en hommage à Lhasa, que j’aimais beaucoup. Comme j’allais devoir me séparer d’une partie de l’équipe, pour la prochaine tournée, je trouvais important de sceller l’aventure Miss Météores. J’ai fait revenir tous mes musiciens de l’ancienne équipe, on a enregistré en live. Et mon frère a écrit ce texte magnifique pour amener ce traditionnel mexicain dans un disque hypermoderne. Ce titre est à l’image du disque: mélancolique, mais avec une forme de hargne… C’est l’histoire d’une femme vengeresse, ce qui résume très bien l’album! Avec cette chanson, mon message caché, c’est: «Toi, la vie, tu me fais de sales coups depuis quelque temps, mais je tiens encore debout. Alors vas-y, reviens si tu veux, je suis prête…»

Olivia Ruiz
Le calme et la tempête
Universal
notre avis: ♥♥♥ 

En concert aux Francomanias de Bulle, le vendredi 10 mai 2013. www.francomanias.ch

 

 

 

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