Fort, faux, haut, bas, ce qui compte c’est chanter!

Dans son dernier film, Jacqueline Veuve a suivi le Chœur Saint-Michel de Fribourg pendant un an. Une plongée en clé de sol.

par Yann Guerchanik

«Chanter beaucoup, chanter fort, chanter faux, chanter haut, chanter bas, c’est égal, mais chanter!» Dans Vibrato, le dernier documentaire de Jacqueline Veuve, Philippe Savoy reprend à son compte cette phrase de l’abbé Bovet. Le directeur du Chœur Saint-Michel de Fribourg touille de sa baguette un ensemble vivant et décrispé.

Le propos du film, à l’affiche dès ce soir à Fribourg et dimanche à Châtel-Saint-Denis, s’illustre sans doute dans les rapports humains qui se développent au sein de la chorale. C’est là, peut-être, la clé du mystère. Fondé par les jésuites en 1580, Saint-Michel est le plus ancien collège de Suisse encore en activité. Son chœur d’église est transformé, en 1976, en une chorale au répertoire profane et sacré, aux rangs sans cesse renouvelés, malgré les temps qui courent.

Car l’enthousiasme de ces jeunes de 17 à 25 ans surprend. Il laisse d’abord un goût d’anachronisme, renforcé par le caractère ancestral des murs du collège. Comment des jeunes d’aujourd’hui, qui voyagent vite et s’arrêtent peu, qui écoutent par fragments, qui voient de plus en plus, sur des écrans de plus en plus petits, comment ces jeunes en viennent volontairement à chanter en chœur.

Une tradition vivante
La réponse est à chercher dans les échanges vivants qu’entretiennent ces jeunes choristes lors des répétitions et des concerts ainsi que dans leurs révélations intérieures. C’est certainement là que se joue aussi la perpétuation d’une tradition. Le canton de Fribourg brille dans cet art plus que tout autre. Mais il n’est pas à l’abri d’un effritement des effectifs. A cet égard, le Chœur Saint-Michel est un bon exemple de recrutement volontaire, en mettant l’humain et l’engagement à la portée des jeunes.

«La voix est un instrument dont tout le monde dispose dès lors que l’on sait respirer et parler, explique le directeur Philippe Savoy. C’est un instrument lié aux émotions, et si certains chantent faux, c’est qu’ils n’arrivent pas à croire qu’ils peuvent chanter juste.»

Ici, la magie du cinéma n’a pas cours. L’harmonie profonde émane du sujet même, de cet univers choral.

Le documentaire de Jacqueline Veuve nous y fait croire sans peine. Ici, la magie du cinéma n’a pas cours. L’harmonie profonde émane du sujet même, de cet univers choral. Du camp au château de Vaulruz au concert dans la cathédrale, la caméra laisse venir à elle. La cinéaste vaudoise isole six protagonistes comme autant de fils conducteurs.

Quelques rapprochements délicats lui permettent de saisir en eux l’essence d’une passion. Ainsi, ces gros plans sur Lauriane. On lit sur son visage tour à tour la rigueur, l’amusement et le transport. On la voit sans l’entendre pratiquement. Le son qui émane de ces séquences est le fruit d’un ensemble où les voix s’unissent pour n’en faire qu’une.

Vibrato, de Jacqueline Veuve, à l’affiche au Rex à Fribourg, au Sirius à Châtel-Saint-Denis dimanche 9 décembre à 11 h (en présence du Chœur Saint-Michel et de l’équipe du film)

 

 

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