L’art fascinant et mystérieux de la peinture sous verre

Verso, l’exposition d’hiver du Vitromusée de Romont réunit, pour la première fois en Suisse, quinze artistes contemporains qui partagent leur passion pour la peinture sous verre. Brillant.

par Marie-Paule Angel

«Attention, c’est précieux et fragile! Vous avez brisé le tabou en marchant sur une fleur et sur du verre», sourit Yves Jolidon, collaborateur scientifique au Vitrocentre de Romont et spécialiste de la peinture sous verre. Un art qui participe à la fois du vitrail, par son support, et de la peinture de chevalet, par les colorants appliqués au pinceau ou par d’autres moyens. C’est à cet art fascinant et mystérieux, «précieux et fragile» – dont le musée détient, depuis 2006, les lettres de noblesse grâce à la collection Ryser, un ensemble de peintures sous verre unique au monde – que le Vitromusée consacre Verso, sa grande exposition d’hiver.

Quinze artistes contemporains, de renommée nationale et internationale, déclinent la peinture sous verre au fil d’une cinquantaine d’œuvres recourant parfois à des techniques inédites ou expérimentales. Ainsi, dans les combles du musée, cette peinture fleurie (signée des Soleurois Daniel Gaemperle et Thomas Woodtli) faisant malicieusement office de seuil de passage obligé d’une pièce à l’autre… Cette exposition d’artistes contemporains est, pour le Vitrocentre et le Vitromusée, la concrétisation d’un vieux rêve.

Art aux origines très anciennes (il remonte à l’Antiquité), la peinture sous verre est en effet restée une inépuisable source d’inspiration, expliquent Yves Jolidon et le conservateur Stefan Trümpler. Ce dont témoignent les quinze artistes, parmi lesquels les Fribourgeois Peter Barth, Catherine Liechti et Guy Oberson. Les créations du premier touchent au mystique avec ses sentences en lettres majuscules qui structurent l’espace et la lumière dans des tonalités fortes et froides.

Dans une technique mixte associant monotype et peinture, Catherine Liechti a «brodé» une série sur le sang. Les verres n’étant pas peints sur toute la surface, il se tisse de fins réseaux évoquant la vie qui pulse dans nos veines. Pour cette expo, Guy Oberson a peint des fleurs géantes, aux couleurs intenses, «des fleurs passion, des fleurs pureté», d’une sensualité… à fleur de peau.

Vitres de train et babeurre
Les créateurs alémaniques ne sont pas en reste. Erich Sahli renoue avec l’expressionnisme allemand et Rolf Winnewisser s’inspire de la BD américaine des années cinquante. Anton Bernhardsgrütter défie l’art difficile de la peinture sous verre en peignant (à l’envers, bien sûr et là se trouve la prouesse) des mondes à la Jérôme Bosch, d’une inouïe profusion et précision de détails. Lorenz Schmid propose une découverte insolite de Vénus, à la loupe, ou avec nos propres ombres. Une manière d’illustrer le côté ludique et interactif de cet art, la représentation dépendant de notre propre positionnement.

On croit même reconnaître Gregory Peck sur la vespa pilotée par Audrey Hepburn dans Vacances romaines…

Simone Eberli et Andrea Mante créent des ombres chinoises en peignant le verre avec un matériau impensable: du babeurre. Ulrich Stückelberger, lui, récupère ses verres dans des dépôts de matériel ferroviaire. Dans ses compositions en forme de vitres de train, s’éclatent des kyrielles d’univers peints au son de l’opus 32 de Planètes, de Gustav Holst…

Fusion avec le cinéma
Restent les mystérieuses et troublantes peintures de Silvia Gertschi, très inspirées du cinéma italien, avec ses belles femmes aux regards tragiques. On croit même reconnaître Gregory Peck sur la vespa pilotée par Audrey Hepburn dans Vacances romaines… L’artiste, qui peint face à elle et non derrière le verre, s’impose, pour cela, des séances acrobatiques, vu le format de ses œuvres…

Romont, Vitromusée, du 25 novembre au 24 mars, mardi à dimanche, 10 h-13 h et 14 h-17 h, www.vitromusee.ch

 

 

Posté le par admin dans Exposition Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire