La vie rapiécée selon Hedi von Zelewsky

Le Musée de Charmey inaugure ce samedi une grande rétrospective de l’œuvre papier de Hedi von Zelewsky, charmeysanne d’adoption depuis une trentaine d’années.

par Christophe Dutoit

Le 25 décembre prochain, Hedi von Zelewsky fêtera ses huitante ans. Quatre fois vingt ans, dont les deux dernières décennies consacrées à d’intenses activités artistiques, pour cette comédienne de théâtre, originaire de Schaffhouse, qui partage depuis trente ans sa vie entre le Tessin et Charmey.

Ce samedi soir, la frétillante octogénaire vivra le cinquième vernissage de ses œuvres au Musée de Charmey, après notamment une participation à la Triennale du papier (2005) et une exposition personnelle autour du thème de la culotte (Mutanda mutandis, en 2007).

Artiste du papier sous toutes ses formes, Hedi von Zelewsky est passée maître dans l’art du rapiéçage, bien que plusieurs de ses œuvres s’intitulent Irréparables«A la manière d’une entomologiste, Hedi aime récupérer les restes d’un monde où tout fout le camp, elle aime raccommoder avec ses fils de couturière les éléments qu’elle recycle pour ses pièces», analyse Patrick Rudaz, conservateur du Musée de Charmey.

«J’apprécie lorsque le spectateur peut se raconter sa propre histoire en regardant mes pièces», explique la très élégante dame. Tout au long de cette rétrospective, il en va ainsi de chacune de ses séries. A commencer par ses délicieuses culottes, «autant de portraits allégoriques de la grande comédie humaine».

«Le sang de mon cœur»
Si les premières pièces exposées remontent à 1982, les dernières viennent à peine de sortir de son atelier. A l’image de cet Irr-reparabel estampillé 2012, «une pièce maîtresse en grand format, avec ses rapponses à l’aide de fils et d’épingles à nourrice, décrit Patrick Rudaz. Cette grande pièce résume l’entier de son œuvre.» Hedi von Zelewsky acquiesce: «Oui, j’y ai donné beaucoup de “sang de mon cœur”», avoue-t-elle.

Au fil de l’accrochage, le spectateur aguerri aux cimaises de Charmey reconnaîtra sa série Œufs, exposée lors d’un Salon de la vallée de la Jogne. Ou sa pièce Innerungen/Ausserungen qui a failli être primée lors de la 5e Triennale du papier…

«Avec une telle exposition, le spectateur pourra se rendre compte de ce qui change et de ce qui est rémanent dans le travail artistique de Hedi.»

Telle une archéologue attentive au temps qui s’égrène, Hedi von Zelewsky s’attache aux traces que la vie laisse en chemin, qu’elles soient écrites – sa magnifique suite sur les livres – ou brûlées sur le papier, comme ses Cigarettes de P, des expériences de jaunissement qui rappelle celles d’Yves Klein en compagnie de Jean Tinguely.

Surtout, Hedi von Zelewsky prend plaisir à décliner ses sujets en d’infinies variations de formes, de formats, d’intentions, comme ses poupées qui vont de la miniature à la taille enfant. «Avec une telle exposition, le spectateur pourra se rendre compte de ce qui change et de ce qui est rémanent dans le travail artistique de Hedi.» Comme ses sempiternels fils à raccommoder, parfois en métal ou en ficelle de papier, qui ne désespèrent jamais de rabibocher deux bouts de papier.

Un peu à l’image de deux êtres humains dans la vraie vie…

Charmey, Musée de Charmey, jusqu’au 27 janvier 2013. Infos et horaires: www.musee-charmey.ch. Vernissage ce samedi 24 novembre, dès 17 h 30.

 

 

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