Hans Fries, l’étonnant destin d’une sainte Famille

On le croyait perdu, voire détruit: plus d’un siècle après sa dernière exposition, un tableau de Hans Fries a été retrouvé et prêté pour deux ans au Musée d’art et d’histoire.

par Eric Bulliard

Ses dimensions ne paient pas de mine. Moins d’une page A4. Mais quelques secondes suffisent pour se rendre compte de sa «finesse époustouflante», souligne Verena Villiger Steinauer, directrice du Musée d’art et d’histoire de Fribourg. Peinte par Hans Fries vers 1505, La vierge à l’enfant avec saint Joseph a trouvé place au MAHF pour deux ans: ce chef-d’œuvre disparu depuis plus d’un siècle ans est prêté par ses propriétaires, des collectionneurs madrilènes.

Ce tableau, Verena Villiger le connaissait par une photo, prise à Genève en 1896, lors de sa dernière présentation publique. Pour l’exposition Hans Fries de 2001, le MAHF s’est donné «beaucoup de peine pour le retrouver», sans succès. «Nous avons pensé qu’il était perdu, voire qu’il avait été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale.»

Il réapparaît finalement à Paris lors d’une vente en 2004. Verena Villiger l’apprend en 2011. Elle se rend chez les propriétaires, à Madrid… et se retrouve avec le tableau, décadré, dans les mains.

Par les caractéristiques du drapé et les mouvements des personnages, la directrice du Musée date l’œuvre de 1505 environ, époque où Hans Fries (né vers 1460 – mort après 1523) se trouvait à Fribourg et où il crée le retable du Bugnon. Fils d’un boulanger de la Basse-Ville, formé à Berne et à Bâle, Fries devient une sorte de «peintre de ville» au tournant du XVIe siècle. Son œuvre connu comprend 42 pièces (tableaux, dessins, sculptures) dont plus d’un quart se trouve au MAHF.

Le 16 décembre 1817, un diplomate bavarois l’achète à un Bernois. En raison de ses caractéristiques flamandes, il pense acquérir un Van Eyck.

De l’Italie à l’Afrique du Sud
Cette sainte Famille (thème en vogue à une époque où se constituait la famille telle que nous la connaissons) était sans doute un tableau de dévotion pour un commanditaire privé, vu ses dimensions réduites (26,2 cm x 18,5 cm). 
Le 16 décembre 1817, un diplomate bavarois l’achète à un Bernois. En raison de ses caractéristiques flamandes, il pense acquérir un Van Eyck.

En 1842, le tableau se trouve en Italie: un artisan milanais écrit à son propriétaire, un comte de Bergame, pour lui dire qu’il a terminé la restauration. L’œuvre est ensuite revendue, via un marchand d’art italien à Londres, à un collectionneur anglais. Lors de l’exposition nationale de Genève, en 1896, elle est d’abord présentée comme un Antonello da Messina, peintre sicilien marqué par l’art flamand. Avant qu’elle ne soit attribuée à Fries, pendant la manifestation.

Ses traces se perdent ensuite, mais on sait que le tableau a fait partie des collections de la princesse Ida Labia, fille de Sir Joseph Benjamin Robinson, propriétaire de mines de diamants en Afrique du Sud, mort en 1929.

Typique de Hans Fries
Pour Verena Villiger, l’attribution à Hans Fries ne fait aucun doute: «Le type de personnages et de visages, les grandes oreilles, la finesse des mains, les structures des textiles sont caractéristiques.» Sans oublier cette colonne rouge, à l’arrière: une invention du peintre fribourgois que l’on retrouve par exemple sur le retable du Bugnon. Des expertises infrarouges ont en outre montré qu’un dessin préparatoire a été effectué au pinceau, d’une manière libre et spontanée typique de Fries. L’œuvre témoigne aussi de l’originalité de cet artiste qui, alors que la pratique était courante, «ne copiait jamais les autres peintres, mais inventait des compositions qui donnent de la vivacité à ses œuvres, même dans un si petit format». Pour marquer cet événement, l’Association pour la découverte de la musique ancienne organise un concert de l’ensemble Diabolus in Musica, le 11 novembre. Verena Villiger Steinauer racontera l’histoire du tableau à l’occasion d’une conférence publique le 11 décembre.

 

 

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