«L’étoile», un remède pour déringardiser l’opéra

Depuis sept ans, L’Opéra des champs a connu une croissance exponentielle. Cette semaine, il joue six fois L’étoile, de Chabrier, au CO2. En voici un avant-goût.

par Christophe Dutoit
 

En 2005, un groupe de copains montait La serva padrona au CO2 avec un budget de 7000 francs. Sept ans plus tard, L’Opéra des champs jouera six représentations de L’étoile, d’Alexis Emmanuel Chabrier (lire ci-dessous), avec un budget de 200000 francs!

«C’est vrai que notre évolution a été hallucinante», s’enthousiasme Jérôme Maradan, président et metteur en scène de la troupe fribourgeoise. «Et, sur le budget de cette année, il faut encore ajouter tous les gens qui travaillent bénévolement ou qui sont simplement défrayés…»

Si les productions de L’Opéra des champs n’ont cessé de croître, c’est surtout qu’elles ont trouvé leur public, notamment lorsque la salle CO2 affichait complet à trois reprises pour Hänsel und Gretel en 2010. «Nous avons la volonté de nous ancrer durablement à Bulle, poursuit l’enseignant… au CO de La Tour-de-Trême. Je crois que nous avons réussi à convaincre les spectateurs.»

Depuis 2005, la ligne de conduite de la troupe est claire: déringardiser l’image poussiéreuse que l’opéra peut avoir chez les non-initiés. «Je promets du grand spectacle! avoue-t-il sans ambages. On ne pourra pas me reprocher que les chanteurs restent statiques!» Le but du metteur en scène est évident: «Je veux que notre spectacle plaise aux trois scolaires que nous jouons en début de semaine.» Pour y parvenir, le Gruérien n’hésite pas à privilégier l’aspect visuel, parfois au détriment de la musique. «Oui, je l’assume et je le revendique: pour moi, l’opéra est autant visuel que musical!»

Poétique, gai, vivant, festif
Le temps des trois représentations publiques prévues vendredi, samedi et dimanche, la troupe livrera sa version d’un opéra-bouffe qui colle parfaitement à la vision de Jérôme Maradan. «L’étoile convient bien à mon univers, car il est poétique, gai, vivant, festif.» Dès la première écoute des partitions, il flashe sur une idée de mise en scène: transposer l’atmosphère de cet opéra dans le monde du cirque. «J’ai travaillé par touches, au niveau des décors, des lumières, de la poésie.» Mais, rassurez-vous: le roi Ouf Ier n’endossera pas le costume de Monsieur Loyal

En étroite collaboration avec le directeur musical Olivier Murith, Jérôme Maradan a réuni un orchestre ad hoc de 43 musiciens, dont l’immense majorité est fribourgeoise, à l’image des chanteurs. Parmi les fidèles de la première heure, on retrouve notamment Joelle Delley Zhao, soliste des quatre opéras montés par la troupe. Ou encore Nicole Michaud, créatrice des 34 costumes ouvertement burlesques dessinés pour l’occasion.

«Ces temps, je suis femme de ménage, psychologue, porteur de matériel, technicien. En fait, j’adore ça!»

Résidence en août
Après avoir commencé les répétitions ce printemps, la troupe a passé trois semaines en résidence au CO2 durant le mois d’août. «J’apprécie quand on peut travailler de manière très intensive, sur un temps assez court.» A l’image des deux dernières semaines vécues à un rythme d’enfer (merci les vacances scolaires), à raison de 15 heures par jour. «Ces temps, je suis femme de ménage, psychologue, porteur de matériel, technicien. En fait, j’adore ça!»

Très lourd d’un point de vue technique (déjà 600 heures ont été consacrées à ce poste), L’étoile n’est «pas transportable» dans une autre salle. Ce qui fait que l’aventure se terminera immanquablement dimanche prochain. «Mais j’ai des idées pour novembre 2014», avance déjà Jérôme Maradan.

Entre-temps, il aura encore l’occasion de monter le spectacle des dix ans du CO de La Tour-de-Trême, prévu en mars 2014: «On travaille à trois copains, avec Jacques Doutaz pour le texte et Etienne Crausaz pour la musique. Et, il y aura 200 personnes sur scène. Génial, non?»

La Tour-de-Trême, CO2, vendredi 2 et samedi 3 novembre (20 h 30), dimanche 4 novembre (17 h). Réservations: www.labilletterie.ch

 

Le roi Ouf Ier est bien embêté

L’étoile est un opéra-bouffe en trois actes d’Alexis Emmanuel Chabrier, sur un livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo. Créé au théâtre des Bouffes Parisiens le 28 novembre 1877, il rencontre un succès sans lendemain, sans doute à cause de sa musique fine, complexe, atypique et donc en avance sur son temps… Certaines chansons (La romance de l’étoile, Le chœur du pal) ont, en outre, été écrites par Paul Verlaine.

On pourrait résumer l’intrigue de L’étoile en ces lignes: le roi Ouf Ier est contraint par la tradition de divertir ses sujets avec une exécution publique. Problème: aucun crime ne semble avoir eu lieu. En parallèle, un complot s’ourdit pour contraindre la princesse Laoula d’épouser Ouf Ier. Mais le colporteur Lazuli tombe éperdument amoureux de la belle et lui chante La romance de l’étoile, en espérant que cela lui porte chance. Plus tard, il gifle le roi, qui trouve ainsi sa victime. Mais le destin de Lazuli est intimement lié à celui du roi…

De quiproquos en rebondissements
Au début du deuxième acte, Lazuli se la coule douce dans le palais. Il croit voir en Hérisson le mari de la belle et, après un dialogue houleux, le roi promet de se débarrasser de son rival. Comprenant soudain la situation, Laoula s’évanouit et ne se réveille qu’avec force baisers de Lazuli. De quiproquos en rebondissements, ce dernier semble s’être noyé dans le lac.

Acte III: Si Lazuli est mort, le roi mourra dans la journée. De son côté, la belle pleure son bellâtre. Bien vivant et caché dans la pièce, Lazuli observe Laoula résister aux dernières avances du roi, bien décidé à l’épouser. Mais l’heure de son décès se fait attendre. Soudain, le chef de la police fait irruption avec Lazuli prisonnier. Le roi comprend enfin la situation et cède sa promise au colporteur, qu’il nomme son héritier. CD

 

 

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