Damien Saez, boulimie de tristesse

Quatre ans après sa première trilogie – le chef-d’œuvre Varsovie-L’Alhambra-Paris – Damien Saez ressort de sa tanière avec vingt-sept nouvelles chansons sous le bras! Réunies sur le triple album Messina, elles précèdent de quelques semaines la sortie de Miami, un quatrième disque à paraître le 3 décembre. Vous avez dit boulimique?

Artiste ombrageux et déchiré, Saez affiche haut sa sincérité, sans compromission. Cette attitude peut certes agacer certains, mais elle fidélise depuis une dizaine d’années un public de fans dévoués, qui achètent les yeux fermés ses disques et remplissent plusieurs mois à l’avance les salles où leur idole daigne livrer quelques bribes de son talent (les deux soirées prévues fin novembre aux Docks de Lausanne affichent en effet complet depuis belle lurette).

Comment ne pas les comprendre? Dès la première écoute de Messina, on a l’impression de voir en Saez la renaissance d’un Jacques Brel au sein d’un groupe rock de la hargne de Noir Désir. Avec sa rythmique tribale, Fin des mondes ouvre les feux en forme d’apocalypse. Durant près de trois intenables minutes, les incantations de Saez entretiennent la tension. Jusqu’à ce qu’enfin une guitare, rugueuse et saturée, décharge l’atmosphère comme un violent orage de fin d’été. Et ce n’est là que la première chanson.

Guitares en étendards Alors que Varsovie-L’Alhambra-Paris se voulait un lent poème au spleen contagieux, Messina joue davantage dans le registre de J’accuse, sorti en 2010. Tels Les échoués, ce cri du cœur toutes guitares en étendards, parfait contrepoint des Ecorchés, la brûlure venimeuse d’un Bertrand Cantat au sommet de son art.

Toujours aussi lumineux dans sa noirceur, le Parisien cisaille des textes au cordeau, comme Marie, à la manière de Ces gens-là: «Avec tes seins qui pointent comme les cathédrales / On dirait Notre-Dame, on dirait les pyramides / Mais j’suis pas pharaon tu sais, moi j’ne fais que des chansons pas gaies…» Parfois très (trop?) symphonique, parfois très violent (Marianne), rarement redondant (le dispensable Planche à roulettes), Messina développe en tous sens les vagues à l’âme de Saez. Avec une maestria que peu de chanteurs français peuvent revendiquer.

par Christophe Dutoit

Damien Saez
Messina
Wagram

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