Marc Aymon, sur la route de Nashville

Le Valaisan Marc Aymon sort son troisième album, né des grands espaces américains qu’il a parcourus durant trois mois et enregistré à Nashville. Rencontre.

par Eric bulliard

La dernière fois, il s’apprêtait à prendre la route. A traverser les Etats-Unis, sac au dos et six-cordes en bandoulière. «Pour voir si, avec une guitare et des regards tendres, je peux me sortir de toutes les situations», expliquait-il en février 2011. Marc Aymon est de retour, la tête et le cœur encore emplis de ce voyage. Dans ses mains, son troisième album, sans titre, (après L’astronaute en 2006 et Un amandier en hiver en 2009), né de ces rencontres et des grands espaces.

L’avantage, avec Marc Aymon, c’est qu’il n’y a pas besoin de poser de questions. A peine le temps de s’attabler au Buffet de la Gare de Lausanne que le voici lancé, les yeux brillants, de la fougue plein la voix. Il évoque son disque, sa traversée des Etats-Unis, en trois mois et en bus, de New York à San Francisco, qui s’est déroulée «mieux que tout ce que j’espérais. Il y a eu des moments très rock’n’roll, d’autres tout simples, très sains.»

Le principe: dormir chez des habitants et, en échange, leur offrir de la musique. Jouer dans leur jardin, dans l’école de leurs enfants. Une manière d’éviter l’Amérique touristique. «Je voulais chercher la rouille, la peinture qui s’écaille.» Le jeune Valaisan se retrouve à pêcher la truite en Arizona, dans une galerie d’art à Santa Fe, chez un redneck texan entouré de 25 armes à feu, au milieu d’une fête sado-maso de San Francisco…

«Pas de problème…»
«La plupart des gens étaient très accueillants, raconte Marc Aymon. C’était un bonheur de les voir nourrir mes chansons.» Des chansons naissent en effet de ses impressions, de l’atmosphère qui entoure la maison où a grandi Johnny Cash. Ou de Bolinas, ce village hippie des environs de San Francisco que les habitants préservent au point d’arracher les panneaux indicateurs.

A écouter Marc Aymon, tout semble facile. Tu as envie de faire quelque chose? Ben, tu le fais… Il s’étonne de la remarque. «Je suis sûrement la personne que tu connais qui se pose le plus de questions…» N’empêche que, quand il songe à un nouveau disque, il n’hésite guère: «A Nashville, je suis allé trouver le patron du studio Ocean Way. Je lui ai joué quelques morceaux et j’ai dit que j’aimerais enregistrer chez lui avec tels musiciens. Il a répondu: “Pas de problème, je les connais tous…”»

«Je voulais chercher la rouille, la peinture qui s’écaille.»

Raconté ainsi, ça n’a l’air de rien, mais dans cette ancienne église transformée en studio ont enregistré Beck, Willie Nelson, Robert Plant, Jack White… Et les musiciens en question s’appellent Michael Rhodes (basse), John Hobbs (claviers), Dan Dugmore (guitares électriques et pedal steel). Des gars qui accompagnent Clapton, BB King, Joan Baez, Hank Williams. Et comme le batteur souhaité n’est pas disponible, on lui propose Chad Cromwell, celui de Neil Young…

Trois prises au maximum
Avec le guitariste fribourgeois Sacha Ruffieux et l’arrangeur français Frédéric Jaillard, Marc Aymon retourne ainsi aux Etats-Unis, ce printemps. Deux jours d’enregistrement pour neuf chansons. Trois prises au maximum. «Ces musiciens ont un tel savoir-faire qu’ils ont trouvé le meilleur de chaque chanson. Tout s’est fait de manière très naturelle.»

Dès la première écoute, une évidence: enregistrer dans ces conditions assure une ampleur inédite chez Marc Aymon, qui contraste avec sa voix plutôt typée variété. Un bémol: des textes d’une évidente sincérité, mais qui peinent à se départir d’une certaine naïveté («Je pars pour mieux me retrouver / Je pars pour mieux te retrouver…» «Trouver l’âme, cette lame qui délie le secret d’embrasser les orages»).

Au fil des onze titres, on découvre quelques curiosités, comme ce poème de Vicente Aleixandre et, surtout, la voix de Captain Luke, avec son parfum de bayou. A Winston Salem, en Caroline du Nord, Marc Aymon est allé rencontrer ce bluesman octogénaire qui, au milieu de quinze femmes et en servant de «l’alcool de poule», a accepté d’improviser quelques phrases. Magique.

De Rilke à Thiéfaine
Près de deux heures ont passé. Marc Aymon sort sa guitare, une Gibson LC Century de 1934, dénichée à New York. Sur son ordinateur portable défilent des photos de son voyage. De son sac, il tire des livres (La Lettre à un jeune poète, de Rilke, L’équilibriste, de Christian Bobin), une revue consacrée à Boltanski. Surgit encore le dernier album de Thiéfaine, avec la pochette signée Yann Orhan. Qui a aussi réalisé celle de son propre disque. Comment l’a-t-il convain­cu? «Je l’ai appelé, je lui ai dit: “Vous êtes le meilleur, j’ai envie de travailler avec vous…”» Simple, non? Sur la table du bistrot, le café est froid depuis longtemps. Il ne l’a pas touché.

Distribué par Disques Office

notre avis: ♥♥

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