Espace Tinguely, l’art se fait rebelle

Une nouvelle exposition met en valeur la facette révoltée de Tinguely, Niki de Saint Phalle et de leurs proches.

par Eric bulliard

Après la nature et l’eau en 2011, l’Espace Tinguely-Niki de Saint Phalle présentait mardi sa nouvelle exposition, visible un an. Intitulée Artistes en rébellion, elle vise à rappeler la dimension de révolte de ces deux artistes et de leurs proches.

«Les œuvres de Niki de Saint Phalle ont une image positive, colorée, bon enfant, rappelle Caroline Schuster Cordone, directrice adjointe du Musée d’art et d’histoire. Alors qu’il y a souvent un fond douloureux.» De même chez Tinguely, où, derrière l’aspect ludique de ses machines, pointe une révolte qui a notamment culminé dans son Hommage à New York, la célèbre sculpture qui s’est autodétruite au Moma, en 1960. «C’était du jamais vu et beaucoup d’artistes en ont été marqués.»

A cette occasion, Tinguely rencontrait Richard Stankiewicz (1922-1983), dont est exposée une œuvre de 1963. Elle témoigne de leur influence réciproque: Tinguely adopte la ferraille et Stankiewicz se tourne vers l’abstraction.

«A bas la charité!»
A la galerie inférieure se succèdent six œuvres sur papier de Niki de Saint Phalle, qui reflètent son engagement contre le sida, pour le droit à l’avortement, contre la prolifération des armes… Montré pour la première fois, un imposant tableau de Ben, A bas la charité, oppose une société blanche bien-pensante au peuple opprimé, noir, le poing levé. «La charité asservit les peuples, la lutte les libère», lit-on notamment. Cette section propose en outre une Poubelle d’Arman ainsi que des œuvres de Giovanni Battista Podesta et de Daniel Spoerri qui poussent à s’interroger sur la société de consommation. Et un magnifique masque d’Eva Aeppli, où se côtoient la mort et le sourire. En face, des télévisions de Rico Weber dénoncent l’isolement de l’individu.

Céder cette construction illégale et pousser l’Etat à investir pour son entretien ressemblent en effet à un ultime pied de nez.

La galerie supérieure présente une série de dessins de Tinguely sur le thème des retables. Qui est à la fois «dialogue avec la tradition et provocation face à son passé catholique», selon Caroline Schuster Cordone.

Le Cyclop à l’Etat
L’un des temps forts se trouve dans la série de photos inédites, sorties des archives que Rico Weber a léguées au MAHF. On y voit Tinguely et Niki de Saint Phalle au travail, entourés de leurs collaborateurs (Seppi Imhof, Bernard Luginbühl…). Les voici sur le chantier du Cyclop, cette folie dressée dans la forêt de Fontainebleau, sur celui du Crocrodrome (pour l’inauguration du Centre Pompidou) ou encore du Rêve de l’oiseau, réalisé dans le Var.

Dans une vitrine, des documents rappellent l’inauguration du Cyclop, en 1994, par François Mitterrand. L’œuvre, inachevée à la mort de Tinguely, a été léguée à l’Etat français en 1987. Un «cadeau empoisonné», commente Caroline Schuster Cordone. Céder cette construction illégale et pousser l’Etat à investir pour son entretien ressemblent en effet à un ultime pied de nez. Un vrai geste de rebelle.

Donation de Freiburghaus
Le Musée d’art et d’histoire vient de recevoir trois œuvres de Res Freiburghaus, offertes par la fondation qui porte le nom du sculpteur, décédé en 2006. Datée de 1982, l’imposante Chaîne grandissante (près de deux tonnes de molasse) est représentative de son art, avec ce travail subtil sur la matière, ce mélange de réalisme et d’onirisme, la puissante chaîne se transformant en sensuelle chevelure. L’œuvre, comme cette étonnante pierre sculptée affaissée contre le mur, se trouve dans un jardin pas encore ouvert au public. La troisième, offrant un troublant contraste entre le lisse et le rugueux, a pris place dans l’exposition permanente. EB

Fribourg, Espace Jean Tinguely – Niki de Saint Phalle, du mercredi au dimanche, de 11 h à 18 h. Jeudi jusqu’à 20 h. www.mahf.ch

 

 

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