Depuis ses débuts dans les années 1980 (Tous les soleils a remporté le prix Femina en 1984), le Français Bertrand Visage a fait de l’Italie du Sud le cadre de ses romans. Lui qui a longtemps vécu en Sicile et à Naples met à profit sa connaissance intime de ces régions pour créer un étonnant mélange de précision réaliste et d’onirisme, voire de merveilleux. Une manière de coller parfaitement à ces lieux chargés d’histoires et de légendes.
Madone se déroule à nouveau dans la chaleur, dans les rues «aux grands pavés noirs» et aux «grandes églises baroques». Dans cette ville portuaire, un navire marchand a échoué, laissant son équipage désœuvré. Le commandant – un Islandais «large et haut, taillé à la serpe, d’un blond très clair» – croise Madone, jeune mère qui allaite son enfant. «Aucun des deux n’a frémi, la vie les éloigne à la vitesse de la lumière. Il ne s’est rien passé.» Sauf que tout a basculé: le bébé crie famine, Madone ne parvient plus à le nourrir, alors que Hildirsson sent sa chemise souillée par un étrange liquide… Curieuse variation autour de la maternité et du mystère de la vie, ce Madone laisse le lecteur flotter dans une atmosphère indécise. Il réussit à créer ce sentiment d’étrangeté par des personnages forts et une langue simple et sensuelle.
Par Eric Bulliard
Bertrand Visage, Madone, Seuil, 176 pages