Tout est parti d’un fait divers, la découverte, en 1900, d’un inconnu, mort, contre une église d’un petit village jurassien. Alexandre Voisard remonte le fil et imagine avec subtilité le parcours de cet étranger. Dans Notre-dame des égarées, il devient Karel, violoniste venu de l’Est, professeur de musique dans un pensionnat de Colmar. Native du Midi, Hélène enseigne le français et le latin dans cette même école. Ils se marient, ont une fille. Après quelques années de bonheur, la petite Stella meurt subitement. Hélène refuse de l’admettre et part à la recherche de son enfant qu’elle croit toujours en vie. Désemparé, Karel prend à son tour la route, en espérant retrouver sa bien-aimée.
Connu avant tout comme poète, Alexandre Voisard signe ici un récit aux frontières du conte. En brefs chapitres, avec une économie de moyens qui touche au dépouillement, il évoque la perte, la disparition, la solitude, et une «drôle d’errance, au bout du compte moins quête que divagation». Ce Karel devenu vagabond donne sa musique aux oiseaux et «l’aubade à l’églantine». «Mais la musique, à force de malheur, la musique aussi finit par vous fuir.» Emouvant et d’une absolue limpidité, Notre-Dame des égarées suit ainsi la trajectoire d’un homme qui perd tout au point de n’être plus «que cette plume dans la poigne du vent».
Par Eric Bulliard
Alexandre Voisard, Notre-Dame des égarées, Zoé, 192 pages