C’est un livre hors du commun. Une entreprise démesurée, qui unit de manière stupéfiante l’histoire intime, familiale, de Patrick Deville à celle de la France et du monde. La France d’hier et d’aujourd’hui, de Napoléon III aux attentats de Paris, en passant par les deux guerres mondiales. Autant dire que l’on craint de se perdre parfois dans ces méandres, mais l’auteur de Peste et choléra (Prix Femina 2012) parvient toujours à rattraper le lecteur. Dense et empli d’anecdotes historiques, Taba-Taba nous entraîne dans un extraordinaire voyage, au propre comme au 
figuré.

Le titre reprend des syllabes que prononçait inlassablement un patient de l’hôpital psychiatrique où a grandi le narrateur. Son père y travaillait comme administrateur. Nous sommes à Saint-Nazaire, au début des années 1960, point de départ de cet impressionnant périple romanesque. Patrick Deville s’en va «à la recherche de petites traces françaises et, éventuellement (…) de ce que cela signifiait d’être français, de détenir ce passeport que je n’ai pas choisi». Il multiplie les échos, tisse des liens inattendus, toujours éclairants, entre les lieux et les époques, tentant «d’éviter la myopie du gallocentrisme». Au final, il réussit un livre érudit, captivant, profondément intelligent.

Par Eric Bulliard

Patrick Deville, Taba-Taba, Seuil, 434 pages