Prosper Brouillon est un écrivain immense et il n’y a que les jaloux germanopratins pour en douter. Heureusement pour lui, Eric Chevillard veille. Et rétablit la justice avec une Défense aux petits oignons. Ses détracteurs sont illisibles, alors que Prosper, non content de se vendre à la louche, écrit des vérités dont nous nous remettrons difficilement. A propos de l’air: «Nous ne pouvons le toucher. On dirait qu’il n’existe pas. Mais nous le respirons.»
Dans ce roman jubilatoire, l’auteur, blogueur et feuilletoniste, reprend les phrases involontairement désopilantes semées par des auteurs à succès, parfois primés, dont il a déjà fait la critique dans Le Monde. Il les attribue au personnage imaginaire de Prosper Brouillon, qui, comme son nom l’indique, beurre ses épinards malgré une écriture indigeste. Pourfendeur, à l’image de Pierre Jourde, d’une littérature sans estomac, Eric Chevillard souligne la viscosité de certains livres contemporains et le lecteur hoquette devant ses métaphores surprenantes et hilarantes. On en redemande, réjouis par tant d’inventivité. C’est que l’écriture d’Eric Chevillard fait au moins l’effet d’un écrasé de pommes de terre, alors que Prosper Brouillon nous gave de bouillie pour bébés.
Par Laurence de Coulon
Eric Chevillard, Défense de Prosper Brouillon, Noir sur Blanc / Notabilia, 104 pages