Mélanie Richoz, l’art fragile du non-dit

garc%cc%a7onRoman après roman, elle confirme son art de ne jamais en dire trop. De trouver le mot juste, la phrase qui claque, de laisser les non-dits se frayer un chemin dans l’esprit du lecteur. Après la réussite de J’ai tué papa, sorti l’an dernier, la Bulloise Mélanie Richoz livre avec Un garçon qui court un nouveau roman bref, tendu, aussi rigoureux dans sa forme que puissant sur le fond.

Ecrivain, Frédéric adresse une dernière lettre à Roger. Son ami et celui de sa famille. Ce magnétiseur, guérisseur et vaguement gourou se retrouve en prison. Sous la plume de Frédéric, les raisons de son incarcération se dévoilent peu à peu, d’abord à demi-mot, puis avec la violence d’un article de journal. Pas de jugement ni de manichéisme dans ce roman, mais une manière fine et troublante de fouiller l’intime, qu’il s’agisse de la relation de Frédéric avec sa compagne Lucile, avec sa famille, avec l’écriture, ou avec l’inquiétant magnétiseur («je ne te faisais pas totalement confiance, pourtant je te la donnais tout entière»). Comme dans ses précédents romans, mais avec un aplomb encore plus évident, Mélanie Richoz parvient à bousculer, à toucher les sujets les plus graves sans lourdeur ni pathos.richoz

Un garçon qui court avance en équilibre et en rythme, étonnant au point de faire oublier quelques coquetteries graphiques, comme l’absence de renfoncements aux paragraphes. Pour ajouter encore de l’épaisseur à cette petite centaine de pages, le roman esquisse de pertinentes réflexions sur «le no man’s land de l’écriture», entre paix intérieure, foi et angoisse: «A cause de l’infinie possibilité de l’inconnu justement, où à chaque mot, je risque de me perdre ou de basculer.»

Par Eric Bulliard
Mélanie Richoz, Un garçon qui court, Slatkine, 104 pages

Posté le par Eric dans Littérature, Livres Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire