Jean-Louis Murat, des cafards et des douceurs

MorituriAu dernier morceau, cet éblouissement: mais comment fait-il pour toucher autant avec une telle simplicité? Le cafard, un chef-d’oeuvre, conclut cet étrange Morituri avec une douceur ouatée où Jean-Louis Murat se blottit comme personne. «C’est quoi le cafard? / Difficile à dire / C’est comme un buvard / Qui te boit la joie / Te prépare au pire…» Avant ce coup de maître, l’album a distillé son lot d’envoûtements, de refrains aux faux airs de déjàentendu (Tarn et Garonne). Et des fulgurances, comme ce magnifique Frankie: sur un air jazzy, Murat évoque avec une intelligence rare la déréliction de son pays, ici racontée à travers des épisodes de l’histoire, en 827, en 1163…

Tous mourus aussi aborde, de manière plus frontale, le délitement généralisé, un sujet cher au bougon Auvergnat. Reste alors à se réfugier dans la nature (Le chant du coucou, autre pépite où son sens de la mélodie fait merveille) ou à «chialer dans la cuisine » (La pharmacienne d’Yvetot). Reste, surtout, à se régaler de cette voix de velours en passant sur les chansons un peu boiteuses. Comme ce French Lynx sorti en single ou Interroge la jument, malgré ce texte effrayant d’actualité: «Sur la terrasse / Sous les cimes / A l’heure où le festin se termine / Satan est heureux / Il a régalé ses convives». Des titres peu convaincants, qui rappellent que Murat n’est jamais aussi puissant que quand il se fait rugueux ou dépouillé à l’extrême.

Par Eric Bulliard

Jean-Louis Murat, Morituri, PIAS / Musikvertrieb

Posté le par Eric dans Chanson française, Musique Déposer votre commentaire

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