Premiers échos de la rentrée littéraire

Un peu moins de 600 romans publiés par des éditeurs français sont attendus en librairie ces prochaines semaines. Présentation de quelques incontournables de la rentrée littéraire.

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Boualem Sansal

Par Eric Bulliard

Le magazine spécialisé Livres Hebdo tient le décompte: d’ici à octobre, les éditeurs français vont publier 589 romans, dont près de 400 d’auteurs francophones. Premier tour d’horizon d’une rentrée littéraire qui s’annonce de haute tenue et confirme la mode des fictions inspirées du réel.

Les polémiques
Pas de Houellebecq ni d’ancienne compagne de président pour focaliser l’attention, mais quelques polémiques pointent déjà. Martin Amis, Anglais volontiers provocateur, sort un roman satirique qui a pour cadre Auschwitz (La zone d’intérêt, Calmann-Lévy). La controverse remonte à une année, quand Gallimard, son éditeur habituel en français, a refusé le roman, tout comme son homologue allemand.

Auteur de l’excellent Village de l’Allemand (2007) et de Gouverner au nom d’Allah (2013), l’Algérien Boualem Sansal publie 2084, la fin du monde, un impressionnant roman d’anticipation, écho au 1984 d’Orwell. Il se situe dans un empire totalitaire religieux, où l’islam intégriste n’est jamais nommé, mais…

Autre polémique née il y a quelques semaines: dans Eva (Stock), Simon Liberati retrace l’histoire de son épouse, Eva Ionesco. Aujourd’hui octogénaire, sa mère, Irina Ionesco a été déboutée après avoir voulu interdire certains passages: le roman évoque notamment des photos érotiques qu’elle a publiées de sa fille, encore enfant, dans les années 1970.

Sur un sujet moins délicat, Yasmina Khadra fera aussi parler de lui: il se met avec brio dans la peau de Kadhafi qui vit ses ultimes heures (La dernière nuit du raïs, Julliard). Plus iconoclaste, Laurent Binet (auteur de HhH) rit de l’intelligentsia parisienne, en imaginant l’assassinat de Roland Barthes (La septième fonction du langage, Grasset).

Les retours attendus
Nombre d’auteurs phares de cette rentrée vont tâcher de se montrer à la hauteur de leurs précédents livres. En 2013, Tristan Garcia signait un des meilleurs romans de l’année, avec Homo faber. Il revient avec un alléchant 7, soit sept romans miniatures, «à la fois autonomes et solidaires».

Dans La petite femelle (Julliard), Philippe Jaeneda se penche sur un fait divers des années 1950 et trace le portrait de Pauline Dubuisson, accusée du meurtre de son amant. Avec ses 720 pages, le roman s’annonce comme un temps fort de l’automne.

Autre événement: dans Profession du père (Grasset) Sorj Chalandon, auteur des poignants Mon traître et Le quatrième mur (Goncourt des parution-profession-pere-sorj-chalandon-L-PNM8btlycéens 2013), évoque son enfance, à travers une figure de père tyrannique. Le brillant Mathias Enard, (également Goncourt des lycéens, en 2010 avec Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants), publie pour sa part un ambitieux Boussole, qui traverse deux siècles et rend hommages aux artistes partis à la découverte de l’Orient.

Après le succès mérité de Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan sort D’après une histoire vraie (JC Lattès). Où sa narratrice, prénommée Delphine, se retrouve en panne d’inspiration après la publication d’un best-seller.

Quant à Jean-Philippe Toussaint, auteur du merveilleux «Cycle de Marie» (Faire l’amour, Fuir, La vérité sur Marie, Nue), il a trouvé le meilleur titre de cette rentrée: Football (Minuit).

Jim Harrison

De l’étranger
Hors francophonie aussi, le programme comprend du très lourd. Avec ces géants des lettres américaines que sont Jim Harrison (Péchés capitaux, Flammarion), Richard Ford (En toute franchise, L’Olivier) et Toni Morrison, Prix Nobel de littérature en 1993, qui, à 84 ans, publie Délivrances (Christian Bourgois).

Après Une femme fuyant l’annonce, un des événements littéraires de 2011, l’Israélien David Grossman sort Un cheval entre dans un bar (Seuil). On se réjouit aussi, après le best-seller La gifle (2011), de retrouver l’Australien Christios Tsiolkas (Belfond). Côté italien, à noter la sortie des Humeurs insolubles, de Paolo Giordano (Seuil), révélé par l’émouvant Solitude des nombres premiers (2009).

Figurent aussi parmi les romans attendus Funny girl, de Nick Hornby (auteur de High fidelity) et Montecristo, du Zurichois Martin Suter. Ou encore L’infinie comédie (L’Olivier), sorti en 1996 aux Etats-Unis. L’auteur de ce livre culte, David Foster Wallace, s’est suicidé en 2008, à 46 ans. Les échos pour ce roman fleuve de 1500 pages vont de chef-d’œuvre à esbroufe totale.

Les raz de marée
Savamment entretenu, le mystère est levé: le quatrième Millenium, Ce qui ne me tue pas paraît aujourd’hui dans 27 pays, sous la plume de David Lagercrantz. Actes Sud en aurait tiré 500000 exemplaires. Au rayon gros tirages, la reine Amélie Nothomb ne ratera pas sa 23e rentrée littéraire, avec Le crime du comte Neville (Albin Michel). On entendra aussi beaucoup parler de Christine Angot (Un amour impossible, Flammarion), de la part de ses thuriféraires comme de ses contempteurs.

Pour une fois, il y aura aussi un Romand parmi les auteurs les plus médiatisés de l’automne: le Genevois Joël Dicker donnera une suite à La vérité sur l’affaire Harry Quebert, phénomène de 2012: Le livre des Baltimore (De Fallois) reprend le personnage de Marcus Goldman, qui raconte l’histoire de sa famille.

Et en Suisse?
Dans les nouveautés des éditeurs romands figurent les nouveaux livres des Fribourgeois Mélanie Richoz (J’ai tué papa, Slatkine) et Damien Murith (Les mille veuves, L’Age d’homme), qui a marqué les esprits il y a deux ans avec un magnifique premier roman, La lune assassinée.hofmann_140x210_103

Chez Zoé, après ses aventures aux Marquises, Blaise Hofmann part sur les traces de Capucine, actrice et mannequin star des années 1940 et 1950, qui s’est suicidée à Lausanne en 1990. Directeur du Centre de recherche sur les lettres romandes, Daniel Maggetti revient au roman avec La veuve à l’enfant.

Bernard Campiche annon­ce notamment un nouveau Nicolas Verdan (Le mur grec), qui succède au Patient du Docteur Hirschfeld. A Charmey, les Editions de l’Hèbe sortiront L’ours intérieur, que Nicolas Ancion a rédigé en vingt-quatre heures, en juin dernier. L’Aire propose, entre autres, le premier roman du journaliste Christian Campiche, intitulé Montbovon. Enfin, au Mercure de France, Douna Loup (délicieuse auteure de L’embrasure) publie L’oragé, inspiré de la vie de deux poètes malgaches.

Douna Loup

Posté le par Eric dans Littérature, Livres Déposer votre commentaire

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