Château de Gruyères: «Si fa sera», l’invisible de Loredana Sperini

La peintre et sculptrice zurichoise envahit de son émanation artistique les salles du château de Gruyères. La première exposition de l’année est visible dès samedi.

07 - chateau
Par Mélanie Rouiller
Si fa sera (quand la nuit tombe) est le titre de la nouvelle exposition de Loredana Sperini, au château de Gruyè­res. Lauréate de nombreux prix et résidences, l’artiste internationale installée à Zurich expo­se pour la première fois en Suisse romande. Elle y présen­te une trentaine d’œuvres techniques, surprenantes et parfois intimidantes.

Depuis une dizaine d’années, son travail développé initialement à partir du dessin et de la broderie, prend de nouvelles directions grâce au ciment, à la cire et au métal. La riche palette de ses matériaux de prédilection atteste une nécessité marquée pour le travail manuel. Un besoin de faire, de toucher, d’étirer, de malaxer; une démarche artisanale pour un propos instinctif.

De ses tableaux, amalgames géométri­ques de douceur et de force, se dégage une étonnante vibration.

Cire contre ciment
Les œuvres de Loredana Sperini parlent de lumière, de naissance et de mondes indicibles. L’imposante sculpture de verre et d’aluminium laqué posée au centre de la salle voûtée évoque la porte d’un au-delà. Le visiteur accède ici à l’uni­vers vespéral de la créatrice.

Matière fétiche de l’artiste, la cire se confronte au ci­ment. Le substrat minéral est laminé de plusieurs couches de cire colorée. Des formes simples, souvent des triangles, sont répétées et accroissent l’aspect mystérieux de ses ambiances.LoredanaSperini

Loredana Sperini possède son propre théorème, une sor­te de vocabulaire mathématique qui conte un univers furtivement accessible. De ses tableaux, amalgames géométri­ques de douceur et de force, se dégage une étonnante vibration. Ils entrent en résonance avec l’améthyste recréée en ciment taillé et cire violette. Une main émerge du cristal et accentue la sensation déjà très organique des différentes installations. Si l’œuvre permute de plus en plus vers l’abstraction, de nombreux moulages de fragments de corps humains sont régulièrement utilisés.
Morceaux de porcelaine
Dans la deuxième salle, les reproductions de mains et de pieds où poussent des doigts supplémentaires semblent délogées d’un cabinet de curiosités.

Tout aussi surprenants, des fragments de céramiques «réas­semblés» sont visibles dans la collection permanente du musée. Lors d’une résidence à Berlin, elle déniche, sur un marché, des collections de morceaux de porcelaine. Ces anciens bibelots, retrouvés dans les ruines de la Seconde Guerre mondiale, sont récoltés par certains. Touchée par l’aspect testimonial de ces objets brisés, elle en assemble les différentes parties pour en reconstituer une nouvelle pièce.

D’autres tableaux à l’encaustique sur bois remplacent certains portraits d’Auguste Baud-Bovy. Ce jeu entre art contem­porain et œuvres anciennes est désormais le clin d’œil régulièrement mis en place par le conservateur Filipe Dos Santos.

ChateauDeGruyeres_LoredanaSperini_web[5]Présence hypnotique
Dans les salles réservées à l’exposition temporaire, une autre matière est encore exploitée. Une fenêtre en résine noire impose sa présence hypnotique. Un cristal ou une météorite traverse le cadre, et absorbe la lumière. Deux autres fenêtres blanches équilibrent les sensations.

Le néon, cher à l’art contemporain, trouve aussi sa place dans la salle des gardes. Sa lumière vibrante frémit en cadence avec les teintes exploitées par la peintre. Un point commun relie tou­tes les œuvres de Loredana Sperini: une envie irrépressible de les toucher.

Gruyères, château, vernissage le 6 mars, 18 h. Tous les jours jusqu’au 21 juin. www.chateau-gruyeres.ch

Posté le par Eric dans Beaux-Arts, Exposition Déposer votre commentaire

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