Dominique de Rivaz, l’art de créer le malaise

RivazDans La poussette (2011) déjà, mais encore plus dans Rose Envy (2012), Dominique de Rivaz maniait brillamment l’art de créer le malaise. Avec Jeux, la cinéaste et écrivain romande (auteure notamment de Mein Name ist Bach en 2003) pousse plus loin encore dans cette direction, grâce aussi à une recherche formelle séduisante: les scènes se retrouvent réduites au minimum et claquent comme des coups de fouet. Quelques lignes par page, jamais plus, pour une observation implacable des petitesses humaines et des cruautés quotidiennes.

Par leur minimalisme, les textes de Jeux rappellent les haïkus, mais avec une puissance narrative qui reste celle du récit. D’où cette étrange sensation de flotter entre douceur poétique et horreurs. Souvent, Dominique de Rivaz assortit ses observations à un humour grinçant: «Père de famille modèle. Il retrouve cependant de jeunes hommes sur des parkings déserts. Ce jour-là, il offre à sa petite épouse des pralinés de choix.»

Peu à peu, on a l’impression de voir apparaître des éclats de vie de tout un quartier, de toute une ville, avec son square, ses pervers, ses voisins plus ou moins névrosés, ses enfants aux jeux souvent cruels: «On lui a appris à partager. Il prend plaisir à partager. Même ses petites pilules blanches. Elle ouvre tout grand la bouche. Elle rit. Plus tard, elle ne rit plus, ni ne gigote.» L’art du malaise, décidément.

Par Eric Bulliard

Dominique de Rivaz
Jeux
Zoé, 144 pages

Notre avis: ♥♥♥

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Posté le par Eric dans Littérature, Livres Déposer votre commentaire

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