Le combat ordinaire, à travers les outils du théâtre

Adapté de la bande dessinée de Manu Larcenet, Le combat ordinaire use des outils les plus caractéristiques du théâtre. Inventif et malin.

"Le combat ordinaire"©C.Lambert
Par Eric Bulliard
Une sorte de petit miracle. Normalement, ça devrait partir dans tous les sens au point de dérouter le spectateur. Le combat ordinaire, que la compagnie neuchâteloise L’outil de la ressemblance présentait jeudi à la salle CO2 de La Tour-de-Trême, embrasse tellement de thèmes qu’il pourrait se perdre en route. Or, tout se tient, limpide jusqu’au bout.

Adapté de la bande dessinée de Manu Larcenet, Le combat ordinaire évoque l’angoisse existentielle d’un photographe qui peine à assumer son âge adulte. Mais aussi la fermeture des chantiers navals, la montée du Front national, les relations fraternelles et parents-enfants, la maladie d’Alzheimer, la Guerre d’Algérie, la photographie contemporaine, la psychanalyse, la peur de s’engager en amour et de devenir père…

Au milieu se tient Marco, photographe névrosé, qui a perdu toute motivation pour son métier. Tout tourne autour de lui et le metteur en scène Robert Sandoz a en quelque sorte pris cette expression à la lettre. Avec son articulation tubulaire (qui évoque à la fois des échafaudages et des cases de BD), la scénographie de Nicole Grédy ne cesse de bouger. Les comédiens aussi: qu’ils participent à la scène ou restent dans l’ombre, ils ne sortent jamais du plateau, changeant de rôle à vue. Cette absence de rupture accentue l’impression de liens entre les tableaux et entre les personnages."Le combat ordinaire"©C.Lambert

Affaire de conventions
Si tout fonctionne aussi bien, si le spectateur suit sans difficulté les ellipses et les changements de lieu, c’est aussi parce que ce Combat ordinaire joue pleinement sur les conventions. Un cordon électrique devient un chat, une lampe rouge un cargo: la pièce a beau être adaptée d’une BD, elle use des moyens les plus caractéristiques du théâtre.

Tout cela crée un sentiment de liberté que Robert Sandoz utilise intelligemment, avec inventivité et précision, sans perdre le fil narratif. Les parents de Marco, par exemple, sont uniquement représentés par de vieux magnétophones. Les voici mis à distance, touchants malgré tout, comme s’ils n’étaient déjà plus que des voix mécaniques.

Finesse du jeu
Joan Mompart (le Moricet de Monsieur chasse que la même compagnie a présenté à CO2 en octobre) a la finesse de jeu idéale pour incarner Marco. Avec son sac à dos d’écolier et son gabarit fluet, il a exactement l’air du post-adolescent qui passe une nuit à jouer à la Playstation et à fumer des pétards pour se changer les idées.
Avec un tel rôle principal, le reste de la distribution paraît un peu en retrait. Pas de quoi diminuer le plaisir ni l’émotion qui se dégage de cette lutte pour vivre, malgré la difficulté des jours: «Quand on ne meurt pas, il faut bien se résoudre à vivre.»

"Le combat ordinaire"©C.Lambert

Posté le par Eric dans Spectacles, Théâtre Déposer votre commentaire

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