Bruce Springsteen: et Tom Morello vint pour raviver la flamme du E-Street Band

Des reprises et d’anciennes chansons forment l’essentiel du 18e album studio de Bruce Springsteen. High hopes témoigne surtout de la marque laissée par le guitariste de Rage Against The Machine.

Bruce Springsteen & The E Street Band Tour -  Brisbane

Par Eric Bulliard

Pour qui connaît un tant soit peu Bruce Springsteen, il y a là de vieux souvenirs, comme The ghost of Tom Joad (qui a donné son nom à un de ses meilleurs albums, en 1995) ou American skin (41 shots) qui apparaît sur le Live in New York City de 2001. Et des morceaux joués en concert, des reprises, des inédits aussi, plus ou moins anciens. Le tout forme High hopes, curieux 18e album, qui sort la semaine prochaine, où l’on passe de l’indifférence à l’enthousiasme.

Au départ, deux étincelles. D’un côté, des chansons de Springsteen qui n’ont jamais trouvé place sur un album. En raison de son exigence et de sa volonté de cohérence: chacun de ses disques illustre un thème unique. Ceux qui ne collent pas à l’ensemble restent en rade. Pour Wrecking ball (2012), par exemple, il avait 30 à 40 chansons.BruceSpringsteen - copie

A ses yeux, plusieurs titres abandonnés depuis la reformation du E-Street Band en 1999 méritaient d’être rendus publics. En décembre 2012, Springsteen appelle Ron Aniello, qui vient de produire Wrecking ball, et lui confie quelques maquettes. Juste pour voir ce qu’elles peuvent devenir, pendant qu’il part en tournée. Ce sera la deuxième étincelle.

Guitariste historique du groupe, Steve Van Zandt doit renoncer à ces concerts, pris par un show télé. Springsteen fait alors appel à Tom Morello, le guitariste de Rage Against The Machine, qu’il avait déjà invité sur scène à ses côtés. La première fois en 2008, pour un Ghost of Tom Joad d’anthologie à Anaheim (Californie).

De Californie à l’Australie
Tom Morello a raconté au magazine Rolling Stone à quel point il a été flatté… et stressé par cette proposition. Avant de partir, Springsteen lui a demandé d’apprendre 50 chansons. Ce qu’il a fait, consciencieusement, avant de comprendre que ce n’était que pour la première date… Chaque jour, d’autres morceaux se sont ajoutés à la setlist potentielle.

Stimulé par le défi, Tom Morello a, à l’inverse, secoué le E-Street Band, avec son jeu inventif, éloigné de celui du brave «Miami» Steve. A tel point que Springsteen l’appelle «ma muse». Entre deux concerts, ils dénichent un studio à Brisbane, puis à Sydney pour enregistrer quelques pistes à l’arrache.
L’album se construit ainsi, au fil d’échanges entre un producteur en Californie et un groupe en tournée australienne. Au retour, quelques enregistrements additionnels seront effectués, notamment au studio que le Boss possède dans son ranch du New Jersey.

Le Vietnam, encore
Pour le titre High hopes, aussi, le rôle de Tom Morello a été essentiel. Avant de partir pour l’Australie, il entend un soir, à la radio, cette reprise de Tim Scott McConnell (chantée avec ses Havalinas) que Springsteen n’avait enregistrée que pour un EP cinq titres de 1996. Il lui propose de l’intégrer à la tournée. Aujourd’hui, elle ouvre parfaitement l’album, avec son choeur, ses cuivres… et la guitare de Morello.

Présent sur huit des douze titres, le guitariste imprime aussi une marque puissante sur The ghost of Tom Joad, qu’il chante en duo avec Springsteen, dans une version qui rappelle davantage Youngstown que la douce ballade originale. Le sommet de l’album.

Autre moment fort, The wall, joué parfois en live depuis 2003, poignant hommage à un musicien du New Jersey que le Boss admirait dans sa jeunesse et qui n’est pas revenu du Vietnam. La chanson date des années 1990 et l’on entend le clavier de Danny Federici, membre du E-Street Band, disparu en 2008.
De même que l’on retrouve avec émotion le sax de Clarence Clemons, mort en 2011, sur Harry’s place. Ce qui constitue à peu près le seul intérêt de ce titre, laissé de Brucecôté à l’époque de The Rising.

Fin exaltante
Après une mise en route un rien pataude, la deuxième partie de l’album se révèle franchement exaltante, avec encore la ballade désabusée Hunter of invisible game, qui méritait d’apparaître au grand jour. Tout comme American skin (41 shots), moins immédiatement séduisante, mais essentielle, écrite en 2000, après la mort d’Amadou Diallo. Les policiers qui avaient tiré 41 coups de feu sur ce jeune Noir désarmé ont été acquittés. «You can get killed just for living in your American skin…»

Aux côtés de quelques titres anecdotiques (comme le gospel de Heaven’s wall), à noter encore deux reprises, histoire de rappeler que le Boss est un maître dans le genre: Just like fire would, des punks australiens The Saints et Dream baby dream, qui clôt en douceur l’album. Un presque classique de ses concerts – emprunté aux New-Yorkais de Suicide – pour assurer que le feu brûle encore: «Come on, we gotta keep the fire burning…»

Bruce Springsteen, High hopes, Sony Music

notre avis: ♥♥

Posté le par Eric dans Anglo-saxon, Musique Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire