Lou Reed ne peut pas mourir, un point c’est tout

Lou Reed (1942-2013) American Rock Musician and SongwriterAvec le temps, c’est fou comme augmente le nombre d’artistes aimés qui disparaissent. Il y a eu le choc Coluche (horreur absolue), puis Desproges, Gainsbourg, Ferré, Brando, Bashung, Mano Solo… Et Renaud. Non, ce n’est pas drôle, ça fait juste mal de le voir disparaître de son vivant.

Et voilà que ce 27 octobre, on nous annonce la mort de Lou Reed. Et là, ça ne va plus. Là, ce n’est plus possible. Déjà, Patrice Chéreau, trois semaines auparavant, c’était limite. Mais Lou Reed, non. Lou Reed ne peut pas mourir, un point c’est tout. Eût-il été mortel qu’il aurait calanché il y a longtemps, dans sa période alcool et dope. Pas dans ses années thé vert et taï-chi.

C’est vrai, quoi: ce type ne peut pas mourir, parce qu’il n’est pas humain. Plutôt un alien, une sorte de robot (la preuve: l’avez-vous déjà vu rire?), d’extraterrestre, de monstre. Monstre de talent et d’ego, bien sûr. Venu d’une autre dimension, cet androïde a révolutionné la musique. Avec lui, le rock s’est pris pour Baudelaire (qui n’est pas mort non plus). «C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent! / Aux objets répugnants, nous trouvons des appâts / Chaque jour vers l’enfer nous descendons d’un pas / Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.»

OLYMPUS DIGITAL CAMERALou Reed a suivi le même chemin: ses ténèbres puantes où il cueillait les plus belles Fleurs du mal étaient peuplées de putes, de dealers, de junkies. Pas très drôle, mais la vie n’est pas drôle. Le rock, la musique, l’art en général, à quoi servent-ils si ce n’est à dire, à montrer la vie telle qu’elle est, telle que le public ne veut pas la voir? Sinon, autant écouter la Compagnie Créole.

A l’annonce de cette fausse mort de Lou Reed, tous les journalistes qui l’avaient rencontré n’ont pu s’empêcher de raconter combien il était impressionnant, combien il mettait mal à l’aise ses interlocuteurs. Ben oui, comment vouliez-vous qu’il se comportât face à d’insignifiants humains?

En revanche, même en Suisse, peu ont rappelé qu’il avait joué aux arènes d’Avenches, en 2004, partageant une improbable soirée avec Jane Birkin (sic) et Nina Hagen (re-sic). Concert hiératique, sobre, magistral. Mais qui, sauf erreur, n’a pas fait le plein. Comme Bashung aux Francomanias de Bulle lors de sa dernière tournée. Alors que le monde crie au génie devant Stromae et au chef-d’oeuvre devant Gravity. Le monde va mal. Le monde ne mérite pas Lou Reed.

Eric Bulliard

 

 

Posté le par Eric dans Anglo-saxon, Hommage, Musique Déposer votre commentaire

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