Möbius, sensualité sur fond noir

möbiusUn ovni. Un énorme mélange de genres, de références et de langues: Möbius est intrigant, sombre et intelligent à la fois. Mais un tel foisonnement engendre fatalement des inégalités, dans le jeu des acteurs comme dans la structure du récit et dans son propos. A force de balancer entre le thriller politico-économique et la romance sensuelle, le film d’Eric Rochant se perd parfois dans les méandres de sa propre sophistication.
L’histoire, un peu tordue et parfois mal ficelée, est un chassé-croisé entre un agent du FSB (ex-KGB), incarné par Jean Dujardin, un oligarque russe sosie d’Abramovitch (Tim Roth), et une pro froide de la finance. Le tout dans le décor aseptisé de la principauté de Monaco. La photographie statique et la densité des dialogues renforcent la noirceur de l’intrigue, véritable nœud gordien, où les agents sont triples et les protagonistes intrinsèquement vicieux.

Mais la passion va vite s’immiscer dans cet imbroglio politique: après un féroce coup de foudre entre Moïse (Dujardin) et Alice (Cécile de France), l’experte boursière, le nœud se ressere au fur et à mesure que l’intrigue avance et la situation devient inextricable. La sensualité, thème omniprésent à partir de ce moment, est filmée au ras des peaux qui se rapprochent et s’épanouit pleinement dans le jeu des regards.

Jean Dujardin ne peut s’empêcher de froncer le sourcil «à la OSS 117» et sonne souvent faux

Si l’intérêt premier de Möbius réside dans l’abondance des références (Hitchcock, Le Carré…), des langues (russe, anglais, français) et dans l’audace que représente ce genre normalement réservé aux Anglo-Saxons, sa faiblesse se trouve dans ces mêmes éléments. Quelques scènes frisent même le ridicule. Dujardin parle russe, joue sur un flegme «à la Ryan Gosling dans Drive», ne peut s’empêcher de froncer le sourcil «à la OSS 117» et, malgré son physique «à la Sean Connery dans sa jeunesse», il sonne souvent faux. Il est permis de se demander si l’acteur français, malgré un talent certain, fera un jour autre chose que du pastiche.
Au final, et comme l’a souligné son réalisateur, l’aspect «espionnage» n’était qu’un prétexte pour mettre en scène une histoire d’amour passionnelle, charnelle et impossible. Cette sensualité suintante atteint son paroxysme dans une scène d’amour particulièrement mémorable, où les tressaillements épileptiques, mais contenus d’Alice répondent au regard enfantin et éperdu
de Moïse. Malgré d’évidentes et agaçantes faiblesses, Möbius parvient à intégrer le spectateur dans un jeu sensoriel, à lui faire prendre part à la passion dévorante d’Alice et Moïse.

par Paulo Wirz

Möbius, d’Eric Rochant, avec Cécile de France, Jean Dujardin et Tim Roth

 

Posté le par Eric dans Cinéma, Critiques Déposer votre commentaire

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