Camille Laurens: mille fois sur le métier…

Laurens

Par Eric Bulliard

A priori, l’idée n’apparaît pas follement séduisante: un essai sur la répétition, sur sa manière de diriger nos vies. On se lance dubitatif dans la première de ces «variations» et nous voilà happé par l’écriture élégante de Camille Laurens, par l’intelligence et la clarté de son propos, par son érudition jamais pédante. Et par sa manière de partir de la vie quotidienne: «Tous les jours, dès 8 heures du matin, ma grand-mère faisait le ménage.»
Que nous apprennent ces éternels retours? Camille Laurens tente d’y répondre avec un mélange de légèreté et de profondeur, jouant volontiers avec les mots (la littérature, à force de travail de l’écrivain, devient «lis tes ratures»). La romancière de Dans ces bras-là (prix Femina 2000) se penche aussi sur les figures de répétition en art (chez Warhol comme chez Cézanne), dans la poésie, la musique, la chanson… Ses brefs chapitres deviennent d’agréables balades de Racine à Duras, de Barthes à Deleuze, de Bach à Manset, de Hitchcock à Béla Tarr…
Camille Laurens se fait plus grave quand elle revient sur un événement qui a bouleversé son existence: le décès de son fils, à la naissance. Comme une malédiction qui se répète: sa mère, qui l’accompagnait lors de l’accouchement, avait elle aussi perdu un enfant. «Mon deuil était comme l’ombre du sien, j’avais en quelque sorte pris sa place dans le lit de douleur.»
Plus loin, on apprend que si elle a porté si longtemps ce livre en elle, si ce thème la touche à ce point, c’est peut-être pour cette réponse de sa grand-mère, le jour où elle lui raconte ce que lui fait son grand-oncle, quand personne ne les voit, dans le jardin: «Ce que tu viens de me dire, ne le répète jamais. Tu entends? Ne le répète jamais.»

Camille Laurens, Encore et jamais, Gallimard, 192 pages.

notre avis: ♥♥♥

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Camille Laurens

 

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