Flight, l’homme qui savait voler

Flight 2Denzel Washington, c’est la démarche la plus cool de tout le septième art. Bien sûr que si. Dans chacun de ses films, il y a ce moment où il déambule face caméra. En plan d’ensemble, en plan rapproché taille, en plan rapproché poitrine, la décontraction opère à chaque fois. Quelque chose dans les épaules, une façon de prendre son temps entre deux foulés. Une rigidité associée à un léger balancement. Même dans une séquence parfaitement muette, on jurerait que résonne la soul music.
Flight, c’est la déconstruction de cette icône décomplexée, désinvolte et terriblement rock’n’roll. Résumable en trois plans, en trois chaloupés. Premier plan au début du film: le héros Whip Whitaker passe de l’ombre à la lumière, juste à temps pour son vol de 9 h. C’est-à-dire qu’il passe de vanné, flapi, bourré, déglingué à frais comme la rosée en deux temps et trois lignes de coke. A ce stade, il est pertinent de préciser que c’est lui qui pilote l’avion de 9 h.
Deuxième plan: Whip Whitaker est pitoyable. Il est décidément alcoolique. Son avion s’est crashé. Il est passé du chaloupé au déambulateur. Troisième plan: Whip Whitaker a retrouvé de sa superbe toxicomaniaque. La démarche est flottante comme jamais. A quarante-cinq minutes du procès qui décidera du reste de sa vie, il franchit à nouveau les bornes. Il soigne son coma éthylique à coup de snifs fiévreux. Tout cela sous les hurlements éraillés de Joe Cocker et les encouragements de son ange gardien du deal et de la débauche (John Goodman plus Dude que Walter Sobchak cette fois-ci).

Un film parfait… dommage qu’il y ait une morale à cette histoire

Le film s’arrête là. Bien sûr que si. C’est-à-dire qu’il serait parfait et délicieusement subversif si c’était le cas. Mais un quatrième temps remet les pendules à l’heure, du beurre dans les épinards, autrement dit de la morale à cette histoire. Le héros se repent, il finit en prison, comme un con.
Le prêchi-prêcha mis à part, Robert Zemeckis signe avec Flight un retour en grâce après des incartades dans des films tout en animation et en captures de mouvement, des dessins animés quoi. On retrouve avec plaisir le réalisateur qui nous a fait revenir vers le futur et courir après Forrest Gump. Mise en scène pile-poil, sens du récit impeccable, une séquence inaugurale de l’avion époustouflante. Cette dernière réussit le tour de force d’être suffisamment marquante pour qu’on se passe de flash-back tout le reste du film. C’est bien simple, elle filerait la peur de l’avion à Pete «Maverick» lui-même.
Un film parfaitement orchestré autour d’un nœud gordien: faut-il louer le pilote prodige pour être parvenu à sauver 96 passagers ou blâmer l’aviateur alcoolique pour en avoir laissé six sur le carreau? La morale de l’histoire y répond en enfonçant le clou. Un peu comme elle traite la relation interraciale, suffisamment rare dans un film mainstream américain pour être relevée. Le problème étant que la chose est montrable tant que la vie de couple en question est proprement infernale. Il n’y a pas d’exception dans les films hollywoodiens. Bien sûr que non.

Par Yann Guerchanik
Flight, de Robert Zemeckis avec Denzel Washington

Notre avis: ♥♥

 

 

 

 

Posté le par Eric dans Cinéma, Critiques Déposer votre commentaire

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