Musique

«Un dealer, un entremetteur»

Figure de la culture fribourgeoise depuis une vingtaine d’années, Sylvain Maradan et ses associés viennent d’ouvrir le Point commun, le café du théâtre Equilibre, à Fribourg. Au 3e étage, ils ont ouvert le Point de vue, un concept inédit en Suisse où les clients paient une entrée pour disposer d’une place et de boissons à volonté.

Boulanger-pâtissier, vendeur de disques, programmateur au Nouveau Monde et aux Georges, Sylvain Maradan vient de réaliser un vieux rêve: ouvrir un café. A 39 ans, il s’est mué en «patron et plongiste» du Point commun, dans le bâtiment d’Equilibre, à Fribourg.

par Christophe Dutoit

Depuis qu’on a ouvert le Point commun en février, j’ai appris le prénom de 200 personnes supplémentaires…» Et cela n’est pas prêt de s’arrêter, tant Sylvain Maradan est connu comme le loup blanc à Fribourg. Certains l’ont apprivoisé comme vendeur de musique à Media Markt, d’autres l’ont croisé comme programmateur culturel. Ou comme DJ, animateur du quartier du Bourg, organisateur de l’année Tinguely, voire simple spectateur à un concert de Matt Elliott dans un temple… A 39 ans, le gars semble ne plus compter ses vies de chat.

Sa première, il la passe à Domdidier, ou plutôt dans l’école de Domdidier, où ses parents instituteurs ont laissé pousser leurs racines. Sa maman joue de la guitare, son papa du piano et de l’orgue à l’église. «Et moi je tapais sur une batterie dans le grenier. Des titres de The Cure au cas-que.» Avec son groupe, il joue lors de la clôture scolaire. «L’unique concert de ma vie.»

Mais il y prend goût. «Avec mon prof de musique, on causait davantage qu’on ne travaillait. On décortiquait ensemble les morceaux.» Il décroche des fûts et, à 14 ans, rêve de devenir programmateur radio. «J’en avais vu au Comptoir suisse. Moi aussi, j’adorais passer des disques.» Mais certains mauvais coucheurs lui expliquent que «c’est compliqué d’y arriver». En colère avec les études, il choisit un apprentissage de boulanger-pâtissier.

Cassettes pour les copains

«A 16 ans, j’allais bosser la nuit à vélomoteur. Et j’ai assez vite regretté. Mes patrons ont réussi à me dégoûter du métier. Je les ai d’ailleurs remerciés plus tard.» Le manque de reconnaissance et l’ambiance malsaine finissent d’aiguiser sa rébellion adolescente. Ça fait un peu cliché de le dire, mais il trouve refuge dans la musique. Vraiment. «L’après-midi, après le travail, je prenais le bus et j’allais acheter des disques à Fréquence Laser ou à Manor. J’adorais enregistrer des compilations sur cassettes, avec pochettes manuscrites et autocollants. Ça me prenait des heures, mais j’adorais.» Déjà le goût prononcé du partage avec les copains.

R. Smith sur l’avant-bras

A l’époque, les ados diderains noyaient leur spleen dans The Cure. Sylvain Maradan n’y a pas coupé. «J’avais des posters de Robert Smith dans ma chambre, je m’étais même gravé son nom sur mon avant-bras. Le vrai truc d’ado.» En 1992, il fait la scie à sa mère pour aller voir son groupe à la patinoire de Malley. «C’était LE concert! Qu’est-ce que je lui en ai voulu de ne pas m’avoir laissé y aller!»

A 17 ans, Sylvain Maradan vit dans son propre appart et dépense tout son salaire d’apprenti dans la musique. Ses premiers coups de cœur? Mellow gold de Beck et Dirty de Sonic Youth, acheté lors d’un concert de… Francis Cabrel. «Il y avait un City Disc à l’Arena», s’excuse-t-il presque…

A 20 balais, il lâche les petits pains et bosse quelque temps à l’usine, dans un univers très multiculturel. Réformé après trois jours d’école de recrues, il trouve de l’embauche à Media Markt, une année après l’ouverture de la grande surface allemande. «En boulangerie, je travaillais la nuit, je ne voyais personne et j’avais mal au bide avant d’aller travailler.» Du jour au lendemain, tout s’est éclairé.

Les belles années

«Durant sept ans, j’étais un peu comme un dealer de musique. J’achetais, je conseillais, je vendais. En 2000, c’était encore les belles années. D’un côté, on écoulait la soupe de la Star Ac à coups de 1000 pièces et, de l’autre, on plaçait nos coups de cœur.»

Avec quelques figures de proue de la scène locale (Sacha Ruffieux, Mario Weiss, entre autres), il fonde le label Saïko Records. «On voulait à la fois défendre la musique qu’on aimait, avec un label de qualité, mais aussi promouvoir le disque, s’assurer que l’on en parle, car tout est lié.»

Durant toutes ses «années de bénévolat à se battre pour les groupes» (Tasteless, Underschool Element, Soften, Kassette…), Sylvain Maradan découvre le milieu de la musique à 360 degrés. Après avoir postulé une première fois à Fri-Son – «je n’ai finalement pas pris le poste» – il est enrôlé comme programmateur au Nouveau Monde en 2007. Arrivé en pleine tempête avec Julien Friderici pour redresser la barre, il se «surinvestit dès le départ» dans cette aventure à la fois intense et diversifiée. «On passait de la bière au chocolat chaud. On démontait les gradins en pleine nuit, entre un concert de metal et une matinée pour enfants, entre un spectacle de danse et du théâtre contemporain.»

Durant sept ans – tout va par sept avec lui – il remplit la boîte à souvenirs de son fidèle public. «On pouvait tout se permettre: Syd Matters, Asaf Avidan ou le projet Dada de Franz Treichler.» Il évoque aussi des flops monumentaux, comme Pierre Bastien, le chantre de l’avant-garde électro, qui a attiré… trois spectateurs. «Pour Barcella, il y avait si peu de monde qu’on a fini par le faire jouer dans les loges.» Trois ans plus tard, il fera chavirer Espace Gruyère et deviendra l’une des «révélations des Francomanias»…

Linge dans les vestiaires

Très vite, il sort des murs et organise des événements en ville, à l’image de The Notwist au Bellu. «J’ai couru durant vingt heures pour une heure de concert exceptionnel. J’ai même tendu un linge de bain au chanteur lorsqu’il prenait une douche dans les vestiaires, après le concert…»

Après les vingt ans du Nouveau Monde, il change de crémerie et travaille pour la ville de Fribourg. Comme animateur du quartier du Bourg. Puis pour organiser l’année Jean Tinguely. Dans la foulée, il assume la programmation des Georges. «Comme pour le Nouveau Monde, c’était une période compliquée, après les histoires avec la Jazz Parade. A croire que je ne cherche jamais la facilité!»

«J’ai beaucoup aimé ce melting-pot, mais j’ai moins apprécié le milieu, qui s’est mué en partie de poker. La suroffre a tué le marché.» Il travaille encore quelques années pour le Castrum, le festival interdisciplinaire d’Yverdon, «un mélange de découvertes et d’inter-actions avec des lieux. D’ailleurs je me suis toujours foutu des étiquettes, comme d’être populaire ou élitiste.»

Concept inédit en Suisse

Il y a quelques années, une vieille idée germe dans l’esprit de Sylvain Maradan: un café magasin de disques, comme il en existe à Copenhague ou à Istanbul. Il passe sa patente, dévore les livres et devient un redoutable barista. Et il saute sur l’occasion de reprendre le café d’Equilibre, «parfois tristement désert en journée». Il s’entoure de deux associés et inaugure le Point commun en février. «Je suis toujours un dealer, rigole-t-il au milieu de ses clients. Un entremetteur, un tisseur de liens entre les gens.» Il se retourne et salue aussi bien une maman qui allaite son rejeton qu’un couple de «petits vieux». Il sourit, pas peu fier: «J’adore ce joli mélange.»

Au troisième étage, il ouvre le Point de vue (sur les Grand-Places!), un concept inédit en Suisse où les clients paient une entrée (5 fr./h ou 10 fr./jour) pour disposer d’un espace de travail et de boissons à volonté. «Certains étudiants ou indépendants trouvent que la BCU est trop calme et les bistrots trop bruyants pour travailler. Ici, c’est idéal pour eux.»

Au reste, le Point commun privilégie des produits locaux et éthiques. «Nous avons lancé un Wemakeit pour éviter des contrats figés avec les fournisseurs. On veut garder notre indépendance.» Et proposer ainsi un cola appenzellois ou un jus de pomme fribourgeois.

Trois objets pour en savoir plus

Le casque

«J’ai une véritable dépendance à la musique. Elle me suit partout, huit à neuf heures par jour.» Pour autant, Sylvain Maradan n’a pas choisi un vinyle, mais son casque, son fidèle compagnon. «Même si je le casse tous les six mois…»

La table

Amoureux de la vie des objets, Sylvain Maradan court les brocantes. «J’aime beaucoup cette vieille table de ferme. C’est tout un symbole: on débat autour d’une table, on prend des grandes décisions autour d’une table. J’aurais voulu équiper le Point commun de grandes tables, mais c’était trop compliqué.»

Le point de croix

«J’aime beaucoup l’absurde – l’humour de Geluck – et j’assume le kitsch. J’ai trouvé cette broderie au point de croix à Edimbourg. Pour moi, elle représente tellement de choses…»

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Marinka Limat, une marche au nom de l’art, avec les yeux et l’esprit ouverts

De l’Allemagne à la Grèce, la Gruérienne Marinka Limat a tissé, seule et à pied, un lien entre deux pôles de la culture. Sa performance a duré plus 
de cinq mois et 3000 kilomètres. Retour 
sur ce pèlerinage artistique hors du commun. à suivre…

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Marinka Limat, de l’Allemagne à la Grèce, en messagère contemporaine

En avril, la Gruérienne Marinka Limat va se lancer dans son troisième pèlerinage artistique, de Kassel à Athènes: 2500 kilomètres en cinq mois et demi, seule et à pied, pour lier les deux villes de Documenta14, phares de la culture européenne en 2017. à suivre…

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Flavien Droux, comme l’étoile née du chaos

Programmateur d’Ebullition depuis 2012, Flavien Droux a déjà plus de dix ans d’expérience dans l’organisation d’événements musicaux. Après avoir fait les 400 coups dans sa Glâne natale, l’ancien punk conduit aujourd’hui avec talent et esprit d’équipe la destinée du club bullois.

flavienapar Christophe Dutoit

En tête de son curriculum vitae, Flavien Droux résume ainsi son profil: «Sait faire bouger les choses. Dynamique et jovial, aime découvrir de nouveaux univers. Belle conscience professionnelle et plaisir du travail soigné.» A tout juste 28 ans, le programmateur d’Ebullition pourrait également ajouter: «Très bonne connaissance de soi et parfait esprit de synthèse…» à suivre…

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Emile Angéloz, une sacrée vie d’artiste et de châtelain

Vendredi dernier, Emile Angéloz fêtait ses 90 ans. Ancien résident du château de Corbières, le sculpteur fribourgeois poursuit son œuvre dans son atelier-jardin de Corminboeuf. Rencontre pleine de lumière avec un homme sur qui le temps n’a pas prise.angeloza

texte et photos: Christophe Dutoit

«Aujourd’hui, je ne vois plus bien clair. Et je suis aussi un peu sourd, mais ça, ça ne me gêne pas pour ma sculpture…» Une douce lumière automnale perce, cet après-midi-là, la lisière de la forêt de Corminbœuf. Dans son jardin d’Eden, Emile Angéloz ne semble pas beaucoup affecté par l’approche de son nonantième anniversaire. «Ils se sont sans doute trompés de deux ans au registre des naissances! Je ne suis pas aussi vieux que ça…» à suivre…

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Olivier Havran, l’art si complexe de jouer simple

Le comédien gruérien Olivier Havran joue L’homme qui plantait des arbres à la Part-Dieu, dans le cadre du festival Altitudes. Sans filet, il donne chair au texte de Jean Giono avec la violoncelliste Sara Oswald. Portrait d’une «belle âme», pour qui la persévérance porte ses fruits.havrana

par Christophe Dutoit

«Ce texte, je l’ai d’abord réécrit à la main. Puis je l’ai lu, peut-être une soixantaine de fois, et je le savais par cœur.» Dès lors, le travail a pu commencer…

Jusqu’au 24 mai, Olivier Havran joue L’homme qui plantait des arbres dans les jardins de la Part-Dieu. En compagnie de la violoncelliste Sara Oswald, il donne chair à la nouvelle de Jean Giono qui débute ainsi: «Il y a environ une quarantaine d’années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence…»

Avec son béret à carreaux, son costume deux-pièces et son manteau en velours côtelé, le comédien embarque l’auditoire dans cette éblouissante fable écologiste, popularisée par la voix de Philippe Noiret dans les années huitante. Avec un naturel qui ne trahit à aucun instant les heures de travail, de répétitions, de dissection minutieuse du texte en compagnie de la metteure en scène Sylviane Tille.

Ma famille théâtrale
Le lendemain de la première, on a rencontré Olivier Havran dans un café bullois. Presque timide derrière sa barbe de quelques jours, il encaisse les compliments. Durant dix soirs, il remettra l’ouvrage sur le métier. Ce jeudi, il sait que Véronique Mermoud et Gisèle Sallin, les deux géantes du Théâtre des Osses, seront dans le public. «Les Osses, c’est ma famille théâtrale, de la couture à la technique, lâche-t-il en diluant sa tension grandissante dans un thé noir et deux sucres. A l’époque où je suivais ses cours au Conservatoire populaire, Gisèle Sallin a cru en moi…»havranc

A tel point que la metteure en scène parvient à convaincre le jeune homme de suivre une carrière professionnelle. «J’avais 28 ans, je venais de terminer ma formation d’infirmier, après un premier apprentissage d’électricien. Je suis alors entré à l’Ecole de théâtre Serge Martin, à Genève.» Il marque une respiration. «Je travaillais à l’hôpital deux week-ends par mois pour payer mes cours…»

En 2005, au terme de ses études, Gisèle Sallin lui fait passer une audition pour Mère Courage. Il y obtient trois seconds rôles et un engagement à l’année qui courra cinq saisons, puis des collaborations jusqu’à ce printemps. «Gisèle et Véronique m’ont permis de grandir. Sur le plan humain, on s’est trouvés.»

Au contact de Roger Jendly
Au Centre dramatique fribourgeois, il côtoie aussi Roger Jendly, impayable Harpagon dans L’Avare de Molière. «J’ai appris à son contact qu’il est important de ne pas montrer son travail. Au début, je voulais en faire trop. J’ai appris la complexité de faire simple.»
Dans le «galetas» de l’église de la Part-Dieu, Olivier Havran livre une prestation tout en retenue, mais d’une très grande classe. «J’apprécie le contact très proche avec le public. Les yeux dans les yeux. C’est à ce moment-là que la transformation a lieu.»

Toujours sur le fil, avec un minimum de déplacements et d’effets, il incarne ce texte qu’il embrasse à bras-le-corps. «Le monologue est la forme de théâtre que je préfère. Ma recherche artistique tend vers cette simplicité, cette mise à nu. A force de persévérance, cet aspect ressort.» Tout le contraire de comédiens comme Jean-Quentin Châtelain ou Fabrice Luchini, «qui risquent peut-être d’être prisonniers de leur style»?

La première expérience théâtrale d’Olivier Havran remonte à son adolescence, alors qu’il vivait à Montbovon. «J’ai joué dans Le petit prince à l’Ecole secondaire de Bulle, dans une mise en scène de Roselyne Delley. Je m’en souviens très bien, Christian Levrat jouait le roi…» Une tentative sans lendemain, qui ne lui laisse pas un grand souvenir. «A l’époque, je m’en fichais un peu. Et je n’étais qu’en classe générale…»

L’école des XIII
Sa palette de caractères, il l’apprend sur les chantiers ou à l’école des XIII, le fameux bistrot bullois où les discussions étaient foisonnantes, «même si on ne parlait pas». Nouvelle respiration. «J’ai de la chance, car j’ai pu transformer ces expériences de vie en un truc artistique.»havranb

Professionnel sur le tard, Olivier Havran ne l’est pas moins jusqu’au bout des doigts. En 2010, il décide de suivre une école à New York. «Je suis fasciné par la méthode de l’Actors studio. Avec ma compagne, on a vécu neuf mois à Brooklyn. J’y ai suivi les cours de la New York Film Academy. C’était passionnant.» Dans la langue d’Al Pacino, il travaille des monologues de Shakespeare, entraîne sa diction avec un «gars qui avait bossé avec Meryl Streep». Quinze minutes sur la même phrase…

«J’ai également passé quel-ques auditions. On était quarante et j’étais tellement largué que je présentais l’inverse des autres.» Toujours ce goût pour le contre-pied et la rébellion à peine feinte. «Je me suis fait remarquer et j’ai pu jouer dans quelques films.» Comme si tout cela était parfaitement naturel.

Il sonne 17 h. Dans trois heures, cette «belle âme» enfilera à nouveau son costume de comédien. «Je fais tous les soirs une italienne avant de jouer (un déroulé accéléré du texte à voix basse). Pour ce genre de monologue, il faut se mettre en condition. Comme un sportif d’élite.»

Au bout d’une d’heure d’envoûtement dans le silence religieux de la chartreuse, il ôtera son béret: «Elzéard Bouffier est mort paisiblement en 1947 à l’hospice de Banon.» Olivier Havran sourira sous les applaudissements. Bien mérités.

 

Une caresse à haute voix

Prononcez à haute voix: «Elzéard Bouffier.» Pas d’un seul souffle. Non. Avec la précaution de distinguer chaque syllabe: «El-zéard Bouf-fier.» Ce nom ne sonne-t-il pas comme une caresse?

Mercredi soir, lors de la première de L’homme qui plantait des arbres, Olivier Havran a raconté bien plus que l’histoire d’Elzéard Bouffier à la poignée de spectateurs présents à la Part-Dieu. Réfugié à l’intérieur en raison de la froidure (le monologue doit normalement être donné dans les jardins), le comédien fribourgeois a fait vibrer ce texte au plus près de sa musicalité. «Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l’âme de cet homme – sans moyens techniques – on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction.»

Commandée par le Reader’s Digest (eh oui!), cette parabole de l’action de l’homme sur son milieu a été dactylographiée d’un seul jet par Jean Giono, dans la nuit du 24 au 25 février 1953. Ce ne serait qu’une anecdote si la fulgurance des mots n’était pas aussi primordiale que son contenu. Et c’est exactement là qu’Olivier Havran excelle dans son rôle. Car le comédien n’est pas qu’un conteur de belle histoire (c’est aussi le cas). Il est surtout un diseur de mots, un souligneur d’allitérations, un charmeur de syllabes, aidé par les bruissements de la violoncelliste Sara Oswald.

Certains textes sont écrits pour être lus, d’autres pour être dits. A haute voix, imaginez Olivier Havran murmurer: «Il a trouvé un fameux moyen d’être heureux!» N’est-ce pas là une belle caresse?

La Part-Dieu, jusqu’au 24 mai, ma-di 20 h, le 17 mai 17 h – 20 h, les 18 et 24 mai 15 h – 17 h – 20 h

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Werner Schuwey, 50 ans «de hobby, de plaisir, de mission»

Il y a exactement cinquante ans, Werner Schuwey devenait titulaire de l’orgue de Bellegarde. Portrait.

Werner Schuwey©C.Lambert

par Christophe Dutoit

Dimanche soir, le Cantorama de Bellegarde se réchauffera d’une émotion toute particulière, à l’occasion du concert de l’ensemble baroque de Simon Hebeisen. Il y a cinquante ans jour pour jour, Werner Schuwey tenait en effet pour la première fois le poste de titulaire de l’orgue paroissial de Bellegarde. à suivre…

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Louis Yerly, le théâtre vécu avec l’âme du vagabond

Depuis plus de trente ans, Louis Yerly est de ces hommes de l’ombre qui font vivre le théâtre. Pour les 40 ans de L’Arbanel, il monte La Cerisaie, de Tchekhov.Louis Yerly©C.Lambert

par Eric Bulliard

Dès la poignée de mains, cette évidence: Louis Yerly a de bonnes paluches d’artisan, pas d’intellectuel. Le théâtre, il le vit loin des salons feutrés, en travaillant depuis plus de trente ans auprès de prestigieux metteurs en scène, de Matthias Langhoff à Benno Besson. Dès demain, cet enfant de Treyvaux met en scène La Cerisaie, de Tchekhov. Un vieux rêve qu’il réalise à l’occasion des 40 ans de L’Arbanel. à suivre…

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«Les christs de Walter Cottier sont médités, pas sculptés»

On connaît le cimetière de Bellegarde pour ses croix sculptées à la main, surmontées de toit en bardeaux. En revanche, on se souvient moins de son initiateur Walter Cottier, décédé en 1995.cimetierejauna

par Christophe Dutoit

Tout commença à la fin des années 1940. A cette époque, les croix du cimetière de Bellegarde étaient encore en fer forgé, comme partout ailleurs dans la région. Mais, à la mort de son grand-père, Walter Cottier n’avait pas les moyens de faire ériger un tel monument. Il lui sculpta alors une croix en bois avec son canif militaire. Sans le savoir, le chevrier de Kappelboden venait d’initier une tradition qui perdure encore, bientôt vingt ans après sa mort. à suivre…

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Yvette Théraulaz, avec cet art de la présence

Lauréate de l’Anneau Hans-Reinhart, Yvette Théraulaz illumine les scènes de sa présence magnétique depuis plus de cinquante ans. Rencontre avec la comédienne et chanteuse, qui revendique ses racines fribourgeoises. à suivre…

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Gérald Berger, trente ans au service de la culture

Depuis trente ans, Gérald Berger a initié ou accompagné l’impressionnant développement de la culture fribourgeoise. Premier chef du Service de la culture, il a choisi de prendre une retraite anticipée, pour «ne pas terminer en reculant».

Gérald Berger©C.lambert

Par Eric Bulliard

Avec quel sentiment laissez-vous votre poste?
Je crois avoir fait tout ce que je pouvais pour que se développe la culture fribourgeoise. Quand je suis entré en fonction, un quotidien avait titré que Fribourg était un désert culturel. Aujourd’hui, c’est une sorte de forêt alluviale. Les lois et les instruments successifs mis en place durant trente ans ont produit des alluvions qui donnent des terres que je trouve fertiles: l’offre culturelle est assez extraordinaire.

Au début des années 1980, ce désert culturel a rapidement laissé place à un bouillonnement…
Effectivement, il y a eu un croisement de différentes situations. D’abord la décision politique de créer un Service de la culture, à la suite d’une motion de Noël Ruffieux. En même temps, une série d’initiatives ont donné naissance à Fri-Son, Fri-Art, le Belluard, les Rencontres folkloriques, puis le Festival de films, le Théâtre des Osses… Les choses commençaient enfin à bouger, ce qui a permis de prendre conscience de la nécessité de développer une politique culturelle.

Ce devait être extrêmement stimulant…
Les années 1980 ont été passionnantes. Quand je suis arrivé, j’avais un budget de 113000 francs et le secrétaire général m’a dit que tout était déjà dépensé. Il n’y avait donc pas d’argent, mais il fallait avoir des idées, susciter une volonté auprès des autorités cantonales et tenter des expériences. A l’époque, dans ce canton, la notion de créateur professionnel était totalement inconnue. On avait un terreau amateur extraordinaire, mais que quelqu’un vive de son métier de comédien ou de danseur, c’était difficile à expliquer à un politicien. L’idée de ne soutenir que les professionnels a été un premier électrochoc.
D’emblée, nous avons aidé Fabienne Berger, Da Motus, le Belluard, mais sans base légale. La deuxième étape extrêmement intéressante a été de créer la législation sur la culture, toujours en vigueur. J’ai découvert que ce n’était pas une fonction administrative, mais créatrice, où il faut faire preuve d’imagination et d’astuce.

Gérald Berger©C.lambert

Cette loi de 1991 sur la culture est apparue comme novatrice: en quoi l’est-elle?
Les lois culturelles des cantons étaient à l’époque passe-partout. Nous l’avons voulue efficace, proactive et il fallait déterminer les responsabilités de chacun. Une des forces de cette loi, c’est d’être adaptée à la situation fribourgeoise. Or, à l’époque, il n’existait aucune ville ou agglomération qui avait la volonté ni les moyens de soutenir la création professionnelle. Il fallait que l’autorité supérieure le fasse. Le deuxième point fort a été de responsabiliser les préfets: la loi leur donne une possibilité d’agir pour mettre ensemble les communes dans tout ce qui est animation culturelle.

Parmi les différents instruments créés pour soutenir les artistes (bourses, ateliers…), y en a-t-il un dont vous êtes particulièrement fier?
L’Enquête photographique. Il en a existé en France ou aux Etats-Unis, un peu en Valais, mais c’est la seule systématique en Suisse. Elle attire les candidatures de jeunes photographes de talent, de la Suisse et de l’étranger. J’espère qu’elle va survivre à ma vie professionnelle. Elle a trois qualités: la dimension créatrice, le regard sur la réalité d’aujourd’hui, souvent porté par quelqu’un d’extérieur au canton, et la constitution d’un patrimoine.
L’Orchestre de chambre fribourgeois est la dernière chose dont je suis fier. Quand il a joué pour la première fois à La Tour-de-Trême, c’était un des bons moments de ma vie.

Les années 2000 ont constitué un autre moment charnière avec l’arrivée des salles de spectacle…
Oui, et c’est quand même grâce à l’Etat qu’elles ont été créées. En 1996, pour répondre à un postulat de Jean-Bernard Repond concernant le théâtre dans le canton, j’ai réussi à convaincre le Conseil d’Etat de prévoir deux choses: que les préfets établissent un Plan directeur cantonal, donc qu’ils di-sent s’ils avaient l’intention de construire une salle de spectacle, et que le canton accepte de subventionner ces salles. En l’espace de cinq ans, six projets ont été déposés et ont vu le jour. L’Etat ne subventionnait que 25% de l’investissement, mais cette chiquenaude a été décisive.

Gérald Berger©C.lambert

Les infrastructures se sont développées, mais le canton a dû restreindre les aides à la création théâtrale: n’est-ce pas paradoxal?
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de prendre une retraite anticipée: je n’avais pas envie de terminer ma carrière enreculant. J’espère sincèrement que ce n’est pas ce qui va se passer, mais force est de constater qu’aujourd’hui on réunit difficilement une volonté politique pour augmenter les moyens en faveur de la culture. Dans les cantons de Vaud, de Genève ou du Valais, des moyens importants et en augmentation sont à disposition de la création culturelle. Alors que nous nous trouvons en position de stagnation, voire de repli. Le budget global de 3,9 millions a très peu évolué ces dernières années, alors que l’offre culturelle n’a jamais été aussi importante. Il y a un risque, à terme, que cette création fribourgeoise s’étiole. Nous avons des infrastructures et de jeunes artistes qui sortent des écoles: il faudra prendre nos responsabilités face à cette nouvelle génération.
Ce manque de moyens nous a contraints à être plus sélectifs, ce qui peut aussi être une bonne chose. Nous nous trouvions face à ce dilemme: faire de l’arrosage en donnant à chacun un petit peu ou devenir sélectif en confiant à des jurys le soin de choisir pour nous. Isabelle Chassot a eu le courage politique de décider de passer à la sélection.

Est-ce uniquement une question financière ou la place de la culture n’est-elle toujours pas reconnue à sa juste valeur?
Dans la société, l’intérêt pour la culture est réel et nous sommes à des années-lumière de la situation de 1980. Mais j’ai du souci au niveau politique: au Grand Conseil, il existe un club du sport, un club de l’agriculture, un club de l’économie, de la formation, mais il n’y a jamais eu de club de la culture. Or, c’est bien là que les décisions se prennent, que les budgets se votent, que les propositions politiques se font. Dans le domaine culturel, il n’y a pas de lobby.

Partez-vous avec des regrets, des dossiers que vous n’avez pas pu boucler?
Avec le soutien d’Isabelle Chassot, nous avions développé un projet ambitieux et de qualité de médiation culturelle, qui n’a pas passé le stade de la première lecture du programme de législature, en raison des mesures d’économie. C’est un immense regret et une des raisons qui m’ont poussé à partir un peu plus tôt. Le travail est encore immense pour tout ce qui a trait à la sensibilisation des jeunes à la culture.

 

Bio express

1951. Naissance à Payerne.
1972. Maturité fédérale au Collège Saint-Michel.
1976. Licence ès lettres et diplôme de psychologie-pédagogie à l’Université de Fribourg. Nommé responsable
du Centre d’initiation aux mass media, il fonde Cinéplus.
1983. Nommé adjoint au chef de service du Département des affaires culturelles.
1987. Premier chef de service des
affaires culturelles à plein temps.
2009. Nommé chevalier des Arts et
lettres par la République française.
1er octobre 2013. Retraite anticipée. Philippe Trinchan lui succédera.
Gérald Berger est notamment à l’origine de l’Enquête photographique fribourgeoise, de l’ouverture de résidences d’artistes à Paris, Berlin, New York, de la création de l’Orchestre de chambre fribourgeois… Marié, père de deux enfants et trois fois grand-père, il vit à Cousset.

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«Mon cinéma, c’est ma terre… Je ne fais pas du Spielberg!»

Après Ruelle des Bolzes et Sentier des vaches, Jean-Théo Aeby revient avec Chemin du paradis, qui parle de croyances, de religion, de pèlerinages… Portrait du cinéaste de Belfaux à quelques heures de la première, ce soir à Fribourg.

par Christophe Dutoit

Après la ruelle et le sentier, Jean-Théo Aeby empruntera-t-il le chemin d’un nouveau succès auprès du public? A moins que ce ne soit une véritable autoroute!

Ce soir, la première de Chemin du paradis, le troisième volet de sa trilogie fribourgeoise, aura lieu devant une salle comble à Fribourg. Assurément le plus beau des cadeaux pour son 69e anniversaire! Il en sera de même jeudi au Prado de Bulle, avant que le film ne déploie tous ses charmes devant un public fribourgeois que l’on sait conquis d’avance. à suivre…

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Salzani, l’équilibrartiste

Peintre et sculpteur établi à Riaz, Flaviano Salzani expose jusqu’au 23 septembre à la galerie de La Schürra, à Pierrafortscha. A 55 ans, l’artiste prend le prétexte du cirque pour livrer sa vision d’un monde où se mêlent naïveté et onirisme. à suivre…

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