Photographie

Chronique sans fard d’une année sur l’alpage

Les photographes Mélanie Rouiller et Marie Rime publient Le chalet d’alpage comme choix de vie. Des images qui croisent les regards et des textes qui racontent la vie là-haut. Un témoignage contemporain à mille lieues de l’iconographie romantique.

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par Jean Godel

«Il y a ceux qui chantent la montagne et ceux qui la vivent, m’a-t-on dit. Et il y a là une sacrée différence.» Tout est dit dans ces lignes de Mélanie Rouiller, auteure, avec Marie Rime, du livre Le chalet d’alpage comme choix de vie, qui vient de paraître aux Editions de l’Hèbe, à Charmey. Une sélection d’images des deux photographes fait l’objet d’une exposition au Musée gruérien, du 9 mai au 20 septembre. «Avec ce livre, on est loin du romantisme du geste magnifié de l’armailli», a volontiers concédé Christophe Mauron, conservateur au Musée gruérien, hier en conférence de presse.

L’ouvrage est construit comme une chronique contemporaine. Celle de la photographe gruérienne Mélanie Rouiller, bien connue des lecteurs de La Gruyère. Du 20 février au 5 décembre 2014, elle a rendu plusieurs visites à neuf teneurs d’alpages, entre Veveyse, Gruyère et Singine. Des hommes et des femmes qui ont fait le choix de vivre là-haut et dont elle rend compte de l’existence. Sans fard.

«Il a fallu oublier les travaux des autres. Photographier un sujet qu’on croit connaître m’a beaucoup plu», apprécie Mélanie Rouiller. Bien peu de bredzons, en effet, dans ses pages. Mais des salopettes trempées de sueur, des jeans crottés et des pieds nus sur le sol mouillé. Des jets de purin qui déchirent le gris du ciel, des panneaux solaires et des pick-up américains.

«Du jamais-vu!»
Comme en contrepoint, les images crépusculaires de chalets de Marie Rime sont plus construites: pose lente, éclairage au flash portable, ambiance mystérieuse. L’uni- vers de la jeune Gruérienne (La Gruyère du 28 mars) offre un étonnant prologue au récit des quatre saisons. Marie Rime fait preuve d’une grande maîtrise: ici, elle impose sa vision du chalet d’alpage. Une vision qui semble magnifiée au premier abord. Pourtant, par leur étrangeté, ses images renou-vellent l’iconographie, assure Christophe Mauron: «Ces portraits de chalets dans la pénombre, c’est du jamais-vu!»

La nuit et le jour; rêve de vies sur l’alpe et labeur des journées sans fin. Ce livre multiplie les points de vue: «On est loin de la villégiature pour citadins romantiques…» sourit le conservateur. L’éditeur Jean-Philippe Ayer, lui, est heureux de ce croisement des regards: «Onirique chez Marie Rime, concentré sur les rencontres, les êtres et la rudesse de leur vie chez Mélanie Rouiller.»

Sans aucune nostalgie
Celle-ci est aussi l’auteure des textes. Des récits savoureux, à la première personne du singulier, qui font de cet ouvrage bien plus qu’un livre d’images. Mélanie Rouiller n’explique rien, elle raconte. Souvent pince-sans-rire, son humour dit le bonheur d’être là-haut. Ses mots simples sentent le feu de bois humide, la pluie froide et le café lyophilisé. Sa chronique n’appelle aucune nostalgie, bien au contraire: c’est la montagne comme on la connaît aujourd’hui. Point. Parmi ces teneurs photographiés figurent deux familles de «vrais» paysans – les autres le sont-ils moins? Pour elles aussi, c’est un choix de monter à l’alpage. Un choix de moins en moins évident d’ailleurs.

Regard sur le patrimoine
Directrice du Musée gruérien, Isabelle Raboud Schüle veut voir dans ce livre le témoignage vivant, actuel et en évolution, d’une pratique ancestrale qui figure sur l’inventaire du patrimoine immatériel de la Suisse. «Ce livre enrichit le regard sur ce patrimoine. Car les traditions ne subsistent que par ceux qui les vivent.» Pour Christophe Mauron, il vaut aussi par sa valeur documentaire tant il est vrai que les images contemporaines sur ce thème de l’alpage sont encore peu nombreuses. Pour marquer le coup, l’institution organise un colloque samedi matin. Un éclairage sur la saison à l’alpage dans le cadre du programme «Le printemps des traditions vivantes au musée», organisé avec les Editions de l’Hèbe et Patrimoine Gruyère-Veveyse. Se succéderont des témoignages (Jean-Jacques Glasson, Samuel Dupasquier, Gérard Morard), des conférences (Serge Rossier, Isabelle Raboud-Schüle, Christophe Mauron, Denis Buchs) et une présentation du livre et de l’expo par leurs auteures.

Bulle, Musée gruérien

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Martin Becka: archéologie de l’hyperprésent

En 2008, Martin Becka a photographié la ville de Dubaï avec une technique héritée des années 1850. Ses tirages d’une beauté suffocante sont exposés à Vevey jusqu’en septembre. Rencontre.

tirage contact papier salé viré à l'or d'après négatif papier ciré (procédé Le Gray) environs 40X50cm

par Christophe Dutoit

En 1849, il faut se souvenir que Maxime Du Camp photographiait l’Egypte en compagnie de Gustave Flaubert: Le Caire, ses mosquées, ses palmeraies, ses pyramides, son sphinx… Seize décennies plus tard, il faut imaginer Martin Becka équipé d’un matériel similaire, affairé au centre de Dubaï à capturer ses buildings futuristes, ses autoroutes à douze voies, ses hôtels de luxe, ses palmeraies… à suivre…

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Charles-Henri Favrod: «La photo était si maltraitée»

Le Musée de l’Elysée fête cette année ses trente ans. En marge de l’exposition de William Eggleston à vernir ce jeudi, La Gruyère a rencontré Charles-Henri Favrod, fondateur et figure de proue de l’institution lausannoise. Il raconte.

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par Christophe Dutoit

A la fin des années septante, le Conseil d’Etat vaudois a voulu une maison, la plus somptueuse possible. Le choix s’est porté sur la propriété de l’Elysée. On avait tellement dit qu’il fallait faire un musée… qu’il a bien fallu en faire un. Avec quoi? Ce dont on disposait de mieux à l’époque était la gravure. On a donc offert un musée de la gravure. Durant trois ans, le musée était surtout caractérisé par l’absence de public. A l’été 1985, le conseiller d’Etat Pierre Cevey m’a demandé de prendre sa direction. Personne ne savait où était l’Elysée. “Il faut ouvrir en octobre, débrouillez-vous!” J’avais un budget dérisoire, 80000 francs je crois. Dès l’ouverture, nous avons immédiatement eu un public, qui, au cours des années, est devenu énorme. Avant que le Musée olympique voisin n’attire les foules, nous avions la plus grosse fréquentation muséale de Lausanne. à suivre…

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Mike Brodie: sur la route, mais sur le rail

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De 2004 à 2008, l’Américain Mike Brodie a voyagé illégalement à travers les Etats-Unis. Passager clandestin de trains de marchandises, il a photographié ses coreligionnaires. Ses images, d’une beauté suffocante, viennent d’être republiées.

par Christophe Dutoit

Durant son adolescence à Pensacola, Floride, Mike Brodie vit à deux pas d’une ligne de chemin de fer. Son père, alcoolique et rapineur, purge une peine de onze ans et laisse sa famille dans l’indigence. Un jour, le jeune homme dit à sa Savannah, son amoureuse punk: «Je vais quitter l’épicerie pour voyager sur les trains. Viens-tu avec moi?» Encore à l’école, la belle décline cet horizon de liberté. Nous sommes en 2004. Là où l’effronté de 19 ans grimpe illégalement dans un wagon de marchandises pour Jacksonville, il n’y a ni quai, ni gare, ni embrassades éplorées. Juste deux lignes métalliques parallèles qui mènent droit vers le soleil levant. à suivre…

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L’éloge du regard noir et blanc et la frustration de la couleur

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Comme sa campagne marketing le laissait présager depuis quelques mois, La Gruyère entre aujourd’hui dans l’ère de la couleur à toutes ses pages. Le charme de la photographie en noir et blanc deviendra rare et précieux.

par Christophe Dutoit

Dès aujourd’hui dans La Gruyère, la neige sera bleutée ou mordorée, selon que la photographie a été prise à l’ombre ou au soleil. Le goudron des routes déclinera ses nuances d’anthracite, les nuages se rosiront au coucher du soleil. Le ciel sera désormais bleu et l’herbe tout aussi verte que chez nos confrères de la presse écrite alentour.regine-2 à suivre…

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Double expo sur les paysages du PNR Gruyère Pays-d’Enhaut

Ce samedi, le Musée de Charmey vernit à la fois le résultat du concours du PNR sur le thème du tavillon et les images d’Olaf Otto Becker, prises lors de sa résidence d’artiste en 2011.
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par Christophe Dutoit

Il convient parfois de rappeler la distinction entre la photo d’un beau paysage et une belle photo de paysage… La septantaine d’images récoltées au travers du concours lancé cet été par le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut illustre parfaitement le premier énoncé. En effet, les dix-huit participants (dont deux professionnels) ont travaillé sur la thématique du tavillon avec l’envie d’en montrer les qualités esthétiques, de rendre justice à la beauté de ses textures grisées, de jouer avec ses motifs et les courbes de ses alignements. A ce titre, le résultat est très réussi. à suivre…

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Monastères: de l’autre côté de la clôture

monastèresLa question de l’enfermement est au centre du travail de Patrick Gilliéron Lopreno. Après un récent reportage au cœur des prisons, le photographe genevois vient de publier Monastères, un livre d’images cueillies dans divers lieux de prières romands. Dans un noir et blanc académique et flatteur – qui doit d’ailleurs beaucoup à l’influence revendiquée de Marcel Imsand – il s’est immergé dans la vie quotidienne des moines, notamment à l’intérieur de la clôture de l’abbaye d’Hauterive ou du monastère de Montorge, si entourés de tous les mystères. à suivre…

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L’HFR, une entreprise, ses chefs, ses rituels

Lauréat de la 9e Enquête photographique fribourgeoise, Marc Renaud s’est intéressé à l’Hôpital fribourgeois, à l’heure des importantes mutations qu’il a récemment vécues.

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 par Christophe Dutoit

Dans l’exposition Dossier hospitalier consacrée à l’Hôpital fribourgeois (HFR), vernie mercredi soir à Fribourg, point de maladies, guère plus de guérisons. Les patients sont rares. La mort et la vie y semblent des témoins absents, relégués derrière les visages fatigués de médecins en colloques, d’infirmières en veilles, d’aides soignantes en colères. à suivre…

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Regards retrouvés, des trésors photographiques à portée de main

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La collection Regards retrouvés sort son premier recueil, avec pour thème la rue. Le projet de mise en valeur des fonds photographiques fribourgeois annonce déjà deux ouvrages à venir et une expo à voir ce printemps. Plongée au cœur du premier tome avec son auteur, Christophe Dutoit.

par Yann Guerchanik

L’aventure éditoriale débouche sur une victoire. Le premier recueil de la collection Regards retrouvés sort en librairie. En été 2013, les Editions La Sarine, en collaboration avec la Bibliothèque cantonale universitaire (BCU), le Musée gruérien et notrehistoire.ch initiait un projet ambitieux: lancer la première collection de livres de photographies patrimoniales publiés sur le modèle participatif en Suisse. à suivre…

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Léon Gimpel, quand la guerre était un jeu

En 1915, alors que les poilus se battent dans les tranchées, le Français Léon Gimpel photographie une tout autre guerre en plein Paris. A la rue Greneta, Pépète et ses copains jouent à «faire comme les grands».gimpelpepete

par Christophe Dutoit

D’abord la couleur. Un siècle après avoir été prises, les images de Léon Gimpel dévoilent le charme discret de leurs couleurs balbutiantes et du grain omniprésent des autochromes, la première technique de reproduction «fidèle» de la couleur, mise au point par les frères Lumière, inventeurs quelques années plus tôt du cinématographe. Un pur délice. à suivre…

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Déjà 175 ans d’infidélité à la réalité photographie

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Le boulevard du Temple, à Paris. L’un des premiers essais de Louis Daguerre en 1838, avec le fameux cireur de chaussures et son client (en bas à gauche), seuls éléments statiques à avoir marqué de leur empreinte la plaque photographique. Déjà une représentation infidèle de la réalité…

Il y a tout juste 175 ans, l’invention de la photographie était enfin divulguée à Paris, après six mois d’une attente rendue fiévreuse par les rivalités, les rumeurs et les enjeux liés à la primeur de la découverte. Ce 19 août 1839, François Arago présentait aux Académies des sciences et des beaux-arts, spécialement réunies pour l’occasion, le procédé de Louis Daguerre en ces termes: «A l’inspection de plusieurs des tableaux qui ont passé sous nos yeux, chacun songera à l’immense parti qu’on aurait tiré […] d’un moyen de reproduction aussi exact et aussi prompt.» à suivre…

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David Hamilton, innocence et controverse (2)

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Vedettes oubliées (2). Dans les années 1970, David Hamilton est devenu mondialement connu pour ses portraits de jeunes filles nimbées dans un flou artistique. Retiré à Ramatuelle, l’Anglais est aujourd’hui au purgatoire de la photographie.

par Christophe Dutoit

Durant les années septante, David Hamilton publiait un recueil de photographies chaque année, qu’il écoulait en général à 100000 exemplaires. «Un million de livres vendus et des millions de fantasmes! affirme-t-il vingt ans plus tard*. Cela montre bien la vraie soif de liberté qui régnait à l’époque et qui me semble en récession.» à suivre…

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La douce tristesse berlinoise de Mélanie Rouiller

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Deux ans après son séjour à Berlin, la Gruérienne Mélanie Rouiller expose ses travaux récents au château de Gruyères.

par Christophe Dutoit

Pour bien comprendre l’art photographique de Mélanie Rouiller, il convient de révéler l’un de ses secrets: la jeune femme est très fortement myope. «Je sais, ce n’est pas pratique pour mon métier, rigole-t-elle. Sans mes verres de contact, je vois le monde de manière étrangement floue et mon regard est souvent attiré par les lumières intenses qui semblent bouger lorsque mes yeux tentent de faire la mise au point…» à suivre…

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Vivian Maier, le génial secret d’une Mary Poppins oubliée

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Le Festival international de films de Fribourg débute vendredi avec le vernissage de l’exposition de Vivian Maier à la BCU. Les photos de cette nounou américaine n’avaient jamais été montrées avant son décès en 2009. 
Finding vivian Maier, le documentaire qui retrace cette fabuleuse découverte, sera projeté à deux reprises.

par Christophe Dutoit

Le 23 avril 2009, une petite annonce du Chicago Tribune fait part du décès de Vivian Maier, «partie paisiblement lundi dernier». Quelques jours plus tard, un jeune agent immobilier de 27 ans trouve enfin un nom écrit au stylo dans le fatras de négatifs qu’il a acquis aux enchères deux ans plus tôt: Vivian Maier. Coïncidence? à suivre…

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Henri Cartier-Bresson, «l’instant et l’éternité»

Dix ans après sa mort, Henri Cartier-Bresson retrouve les cimaises du Centre Pompidou, à Paris, le temps d’une majestueuse rétrospective. En parallèle, l’institution publie Voir est un tout, un recueil d’entretiens qui éclairent les coulisses de son art.hcb

par Christophe Dutoit

«En 1934 au Mexique, j’ai eu beaucoup de chance. Je n’ai eu qu’à pousser une porte. Deux lesbiennes étaient en train de faire l’amour. C’était d’une volupté, d’une sensualité… On ne voyait pas leur figure. J’ai appuyé. C’est un miracle d’avoir vu ça. Ça n’a rien d’obscène. L’amour physique dans toute sa plénitude…» à suivre…

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