Six ans déjà se sont écoulés depuis Best-Seller, qui confirmait Isabelle Flükiger parmi les plumes les plus pertinentes de la jeune littérature de Suisse roman-de. Avec Retour dans l’Est, la Fribourgeoise signe un cinquième roman à la fois plus personnel, intime et, paradoxalement, plus ouvert sur 
le monde et son histoire.

Dans ses premiers livres, Isabelle Flükiger s’est fait remarquer par son observation affûtée de notre société, souvent à partir de petits riens de la vie quotidienne. Retour dans l’Est démontre que la précision de son regard ne s’est pas émoussée, mais elle l’applique à un champ plus vaste. A son histoire personnelle s’ajoute ici celle de la Roumanie, qu’elle visite le temps d’une semaine. «C’est un voyage mère-fille dans la terre d’origine de la mère, terre qu’elle a reniée, mais dont elle garde un accent plein de “r” roulés qui la complexent, et que je n’entends pas…»

Au récit du voyage se mêlent les souvenirs de la mère et ceux de la narratrice, qui évoque en particulier ses grands-parents, partis en Israël en 1986. Parce que le livre embrasse aussi l’histoire de la Roumanie, à travers les persécutions des Juifs et les années Ceausescu. Isabelle Flükiger parvient de manière épatante à imbriquer passé et présent, intime et universel. Elle trouve aussi le ton juste pour rendre un touchant hommage à sa mère. Plus encore que dans les parties historiques, c’est dans cette relation et ses questionnements sur l’origine, l’identité, que le roman touche le plus juste.

Par Eric Bulliard
Isabelle Flükiger, Retour dans l’Est, 
Faim de siècle, 232 pages