Queens of the Stone Age: se renouveler sans perdre son âme

Groupe phare du mouvement stoner depuis vingt ans, Queens of the Stone Age vient de sortir un excellent septième album. Ou comment ne pas écrire toujours la même chanson…

par Christophe Dutoit

Le monde de la musique – ou de l’art en général – se sépare en deux catégories: ceux qui écrivent toujours la même chanson, soit qu’ils répètent à l’envi leur recette gagnante, soit qu’ils soient incapables de se renouveler. Et les autres…

Tête de proue du mouvement stoner californien depuis la fin des années 1990, Queens of the Stone Age aurait pu se contenter de répéter ses riffs mastodontes, réécrire des parodies de titres ultrapuissants comme No one knows… Personne ne lui en aurait voulu.

Sauf que, avec la sortie de son septième album intitulé Villains, le groupe de Palm Desert déboule là où peu l’attendent. D’abord, la production a été confiée à Mark Ronson, connu pour ses collaborations avec Adele, Duran Duran ou Bruno Mars. Un crime de lèse-majesté pour les plus puristes… bien que l’homme soit aussi connu pour une reprise très excitante de I sat by the ocean. Ceci explique peut-être cela.

Surtout, le chanteur et guitariste Josh Homme, mentor et dernier Mohican de la première mouture de QOTSA, et l’un de ses guitaristes, Dean Fertita, sortent tout juste  d’une expérience extatique: l’enregistrement en 2015 du dernier disque d’Iggy Pop, Post pop depression, et la tournée mondiale qui s’est ensuivie. Un album de chansons à paillettes, extrêmement bien composées, mais en total contre-pied de ce qu’on aurait pu attendre de la rencontre de ces deux géants de la défonce et de l’énergie brute. «Cette expérience avec Iggy Pop nous a reconnectés avec le plaisir de jouer de la guitare, cet amour sauvage pour la musique, qui me rappelle le moment où j’ai commencé à apprendre la guitare», a récemment confié Dean Fertita. 

«Le rock doit être suffisamment lourd pour les mecs et suffisamment doux pour les nanas», a dit un jour Josh Homme. Un adage qui trouve à nouveau son sens dès Feet don’t fail me, premier des neuf titres de l’album. Dès l’intro, les synthés sont présents comme rarement dans la musique de Queens of the Stone Age. «Le plan consistait à prendre nos habitudes, les reverbs crades, les médiums amples et nébuleux, et à les remplacer par des guitares enregistrées directement dans la console», explique le leader.

Songwriting au sommet
La rupture artistique n’est toutefois pas si profonde et le risque pas si inconsidéré. Bien que les sonorités paraissent plus synthétiques (la faute à Ronson, sans doute), le songwriting atteint des sommets. A l’image du très direct The way you used to do ou de Domesticated animals et sa fausse complexité. A propos, il faut écouter (sur le site de France Inter) le concert acoustique donné la semaine passée à Paris. Dépouillé de ses couches électro-synthétiques discutables, Domesticated animals gagne tout à coup en évidence, en limpidité, comme les chansons de Nirvana au moment du MTV Unplugged.

Il faut certes plusieurs écoutes pour apprivoiser la beauté versatile de Villains. A commencer par l’incroyable performance vocale de Josh Homme, qui n’a jamais aussi bien chanté que sur ce disque. Surtout dans le registre falsetto qu’il affectionne de plus en plus. Une fois n’est pas coutume, le chanteur s’aventure également sur des terrains très politiques, voire très personnels, avec le surprenant Fortress.

Comme débarrassé du besoin de plaire, Queens of the Stone Age conclut son album avec un titre sorti de nulle part, un ovni musical entre électro et guitares indomptées, un Villains of circumstance viril et à la fois si féminin…

Queens of the Stone Age
Villains
Matador/Musikvertrieb

En concert à Zurich, Samsung Hall, le 6 novembre

 

Kyuss
1987-1995. A l’âge de 15 ans, Josh Homme forme ses premiers groupes dans sa région natale et désertique de Joshua Tree, à 200 bornes à l’est de Los Angeles. Avec John Garcia et Brant Bjork, il sort cinq albums sous le nom de Kyuss (et Sons of Kyuss) et fait ainsi émerger de l’anonymat la mouvance stoner. Stoner? Mélange de metal à la Black Sabbath, de rock psychédélique, de rythmiques hypnotiques, de fuzz et de basses lourdes, le genre fait fureur bien au-delà de la Californie et gagne une popularité massive à travers le monde. Avec des albums comme Blues for the red sun (1992) et Welcome to Sky Valley (1994), Kyuss se forge une réputation auprès de la critiqueet de groupes comme Nirvana, qui lui permet de tourner avec Metallica en 1993.

 

The Desert Sessions
1997-2003. A partir de 1997, tandis que Queens of the Stone Age naît sur les cendres de Kyuss, Josh Homme recrute la fine fleur des adeptes de stoner, mais aussi quelques personnalités comme PJ Harvey, pour taper des bœufs dans le Rancho de la Luna, un studio d’enregistrement dans le désert des Mojaves. Dix albums (!) sortiront de ces sessions improbables, durant lesquelles les musiciens s’accordent une liberté totale, se nourrissent aux champignons hallucinogènes et enregistrent dans l’urgence du moment, n’hésitant pas à expérimenter des musiques indéfinissables, qui forment l’épine dorsale et le son si particulier de QOTSA.

 

Eagles of Death Metal
Depuis 2004. Jamais à court de projets saugrenus et ultrajouissifs, Josh Homme enfile le costume du batteur et forme, en 2004, Eagles of Death Metal avec le sulfureux Jesse Hughes. Au programme: bières, grosses guitares, rockabilly dopé aux amphétamines, pour un hommage probant à toute l’histoire du rock. En quatre albums (et nombre de chansons reprises pour des publicités, témoin du côté accrocheur des compositions), Eagles of Death Metal se fait plaisir, bien que Josh Homme monte rarement sur scène avec le groupe. Il était d’ailleurs absent le 13 novembre 2015, lors du concert au Bataclan, où 90 spectateurs ont été assassinés par des terroristes.

 

Them Crooked Vultures
2009. Parmi la trentaine de projets auxquels le Californien a participé, Them Crooked Vultures reste certainement le plus excitant. Imaginez un peu: un supergroupe composé de Dave Grohl à la batterie (Nirvana, Foo Fighters), John Paul Jones à la basse (Led Zeppelin) et Josh Homme à la guitare et au chant! En treize titres incandescents et sans concession, le trio atteint la quintessence du rock au XXIe siècle, avec sa dose d’hypnotisme, ses riffs imparables, ses envolées stratosphériques et totalement sous contrôle. Là encore, le plaisir est le maître mot, lorsque le groupe donne une série de concerts mémorables, comme au Rock en Seine, sous le nom des Petits Pois…

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