En 2015, Erri De Luca obtenait gain de cause dans l’affaire de la ligne TGV Lyon-Turin. Evitant une condamnation de prison ferme pour incitation au sabotage de cette ligne en projet, il en avait tiré La parole contraire, un essai puissant, politique. Le grand auteur italien signe un retour au roman avec La nature exposée. Une prose tout aussi fulgurante qui met en mouvement un récit pas moins engagé. De Luca y avance à pas feutrés. Impressionnant de douceur et de justesse. Il mêle le sacré le profane et l’air du temps.
C’est l’histoire d’un homme dans un petit village au pied d’une montagne. Un connaisseur des routes qui permettent de franchir les frontières. Un homme qui guide sur ces routes d’autres hommes et qui dit: «Ils les appellent des réfugiés. Pour moi, ce sont des voyageurs d’infortune qui ont eu trop à la fois.» Passeur doublé d’un sculpteur, le héros se lance dans la restauration d’un Christ en croix. Dans les veines du marbre, la solidarité. En préface, l’auteur confie: «Pour ma part, j’exclus l’intervention divine de mon expérience, pas de celle des autres.» Erri De Luca a tout compris. Et le dit comme personne.
Par Yann Guerchanik
Erri De Luca, La nature exposée, Gallimard / 176 pages