Les Prosper Macherel, imagiers de Fribourg

Entre 1891 et 1969, trois générations de Prosper Macherel ont tenu un atelier de photographies à Fribourg. Un fonds de 1200 négatifs a récemment été légué à la BCU.

par Christophe Dutoit

Tous trois s’appellent Prosper Macherel: le grand-père François Cyprien Prosper (1861-1936), le père Prosper Eugène (1907-1965) et le fils Prosper Paul (1938-1986). Et tous trois ont tenu successivement un atelier de photographies à Fribourg. Or, si la signature P. Macherel est connue de longue date des spécialistes, seules quelques-unes de leurs images étaient, jusqu’à peu, répertoriées dans les collections publiques.

«En 2014, nous avons contacté Marie-Josée Macherel, la veuve de Prosper Paul, en lui demandant si elle connaissait l’existence de ces photographies, se souvient Claudio Fedrigo, responsable des collections iconographiques de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg (BCU). Elle a simplement répondu: “Mais oui, elles sont chez moi, vous pouvez venir les chercher…”»

Trois ans et une donation plus tard, la dynastie Macherel s’expose – enfin – en haut de l’affiche, au Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF). «Nous avons sélectionné une centaine de photographies sur les 1200 plaques de verre que compte le fonds», explique Verena Villiger, directrice du MAHF, qui a initié cette collaboration avec la BCU. «Après le déménagement de nos collections, nous cherchions une exposition d’été qui soit sympa, grand public, divertissante et identitaire. C’est pourquoi j’ai choisi de peindre les murs en pistache, abricot, framboise ou violette, comme les glaces…»

En habits du dimanche
Réparti en neuf chapitres, l’accrochage fait la part belle aux photographies prises au tournant du XXe siècle – la Belle Epoque au sens large – par le fondateur François Cyprien Prosper Macherel, qui effectua – à l’âge de 12 ans – son apprentissage chez le photographe Ernest Lorson.

Deux grands axes se dégagent: les portraits et les bâtiments. Installé dès 1891 au N°170 du Varis, Prosper Macherel se fait un nom comme portraitiste, aussi bien auprès de la bonne société que du peuple. A cette époque, on pose en habits du dimanche, devant un fond peint, ou en habits de travail, à l’image de ce sublime groupe de représentants des métiers, devant la fontaine de la Fidélité.

A cette époque, on va chez le photographe pour marquer des moments charnières d’une vie (baptême, mariage), mais on le mandate également pour photographier telle devanture de boutique, avec les propriétaires au premier plan, ou pour marquer l’appartenance à tel groupe, à l’image de ces incroyables portraits de blanchisseuses ou de cordonniers.

D’un autre côté, Prosper Macherel a beaucoup travaillé pour divers services cantonaux. Il a minutieusement documenté la construction du pont de Zaehringen (inauguré en 1924), les remblais du boulevard de Pérolles ou le cimetière de Miséricorde, au pied de la tour Henri. Le spectateur découvrira aussi des intérieurs patriciens richement décorés, ainsi que les anciens abattoirs du Varis, désormais intégrés au MAHF.

Au terme de la visite et de la lecture du catalogue, qui s’inscrit dans la collection photographique de la BCU, deux sentiments resurgissent. D’une part, on mesure la chance que ces 1200 témoignages photographiques ont eue de traverser le siècle dans un si bel état de conservation. De l’autre, on ne peut s’empêcher d’avouer sa frustration de ne pas en voir davantage. Durant les près de huitante ans d’existence de l’atelier, les Prosper Macherel ont dû prendre des dizaines de milliers de clichés, qui ont certainement été perdus «ou qui ont fait l’objet d’une sélection au gré des divers déménagements», suppose Claudio Fedrigo.

Il faut se souvenir que Fribourg a vécu un premier âge d’or de la photographie durant les dernières décennies du XIXe siècle, lorsque les Charles Audergon, Alfred Hüsser, Jules Gremaud ou Ernest Lorson se partageaient le marché. Or, la plupart de leurs images ont, semble-t-il, disparu. C’est donc à ce titre qu’il faut déguster
les photographies léguées par la famille Macherel. Un témoignage rare et précieux sur le Fribourg de 1900, aux origines de la modernité.

Fribourg, Musée d’art et d’histoire, jusqu’au 3 septembre
Fribourg Belle Epoque – Atelier photo P. Macherel, BCU Fribourg

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