Noël Aeby, la sensibilité du regard au carré

Le Musée gruérien présente, jusqu’au 6 août, une «vue d’ensemble» des photographies de Noël Aeby. Un condensé de près de six décennies à regarder le monde à travers un carré. Et à le montrer dans sa splendide aridité.

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par Christophe Dutoit

D’emblée, Noël Aeby réfute le terme de rétrospective. «Je n’ai pas encore déposé les outils!» A la retraite depuis une dizaine d’années, le photographe de 74 ans opère encore. Sans stress ni obligation. Ces derniers temps, il ne résistait pas à l’envie de cadrer carré, ici un arbre dans les neiges de Treyvaux, là un ruisseau presque asséché près de Senèdes, à deux pas de chez lui.

Ce samedi, le Musée gruérien vernit une «vue d’ensemble» de près de soixante ans de carrière, après des expositions récentes au Vide-poches de Marsens et au château de Gruyères. «La sensibilité du regard de Noël Aeby donne son titre à cette exposition de 120 tirages», a expliqué le conservateur Christophe Mauron, hier lors d’une visite de presse. Sensibles, comme la qualité de sa perception, mais aussi comme les films argentiques que le photographe n’a de cesse d’exposer à la lumière depuis la fin des années cinquante.

Né à Charmey en 1942, Noël Aeby fait son apprentissage chez Schmid, qui a pignon sur Pérolles. De ses premiers balbutie-ments, le photographe a retenu à Bulle un magnifique portrait d’une jeune fille, en 1959. Déjà au format carré, déjà avec cet éclat dans les yeux.

Photographe de Ciba-Geigy
Trois ans plus tard, le jeune homme devient le photographe attitré de Ciba-Geigy, à Marly. A cette époque, l’entreprise de chimie développe son cibachrome, le papier positif couleur qui ne tarde pas à devenir la norme internationale. A côté de son activité technique, Noël Aeby multiplie les reportages. «A l’époque, je partais en voyage, je faisais des photos, je montais une exposition et je vendais mes images. Avec cet argent, je repartais…»

«Quand j’étais en apprentissage, je n’avais pas les moyens de me payer un Leica. Pour moi, le 6 x 6 rassemble toutes les émotions.»

Il photographie ainsi la péninsule du Kamchatka, la Patagonie ou l’Argentine. Des paysages arides et décharnés, des arbres courbés par les bourrasques, des vestiges de navires échoués sur le sable, composés au cordeau dans son format carré auquel il ne déroge qu’à de rares exceptions. «Quand j’étais en apprentissage, je n’avais pas les moyens de me payer un Leica. Pour moi, le 6 x 6 rassemble toutes les émotions.» Au sous-sol du Musée gruérien, les deux premières salles font la part belle à ses images de calendrier, avec leurs ciels ombrageux et leurs couleurs saturées.

Noël Aeby ne se contente pas de terrains de jeu à l’autre bout du monde. Il traque inlassablement la belle image dans sa ville de Fribourg, souvent dans un noir et blanc charnel et nostalgique. Il revient également dans sa Gruyère natale pour en magnifier les beautés naturelles: les fameux arbres de la Corbetta, à l’entrée de Charmey, devant les Gastlosen irradiés de lumière. Mais aussi le lac de Coudré, sur la route de Bounavaux, et ses camaïeux de verts.

Lauréat de plusieurs bourses fédérales des arts appliqués et de Grands prix suisses de la photographie dans les années septante, Noël Aeby a désormais les honneurs de l’institution bulloise. Une consécration, sans aucun doute.

www.musee-gruerien.ch
www.noelaebyphotographe.com

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