La Hammer, du fond des ténèbres

Pour bien se vendre, il faut savoir se montrer. Entre les années 1950 et 1970, la maison de production anglaise Hammer a mis en œuvre comme nulle autre cette maxime. A part quelques incursions dans le monde des pirates, le polar ou la comédie populaire, elle s’est spécialisée dans le film d’horreur «gothique» et le film fantastique à budget restreint. Pas de «blockbusters», pas d’effets spéciaux délirants, mais des canines, quelques cicatrices, des bandelettes antiques, des poils par-ci par-là, des costumes façon Ancien Régime, des châteaux en carton-pâte pleins de toiles d’araignée, de salles de torture et de passages secrets…

Avec des acteurs récurrents comme Christopher Lee en Dracula, ou Peter Cushing en Van Helsing – entre cent autres rôles –, la Hammer a développé son succès en ressuscitant les grosses bébêtes créées par le studio Universal dans les années 1930 – momie, loup-garou, créature de Frankenstein… – et en osant les variations les plus improbables, comme mélanger cinéma de karaté et celui de monstres (à l’exemple de La légende des sept vampires d’or). En pleine Trente Glorieuses, elle s’est jouée des peurs de l’avant-guerre, pour en faire un spectacle libéré, grotesque et fascinant. Jusqu’à fournir ses lettres de noblesse au cinéma de genre et en devenir une des principales références.

Toujours de l’audace
Après en avoir rédigé une histoire qui vient d’être republiée en version augmentée – L’antre de la Hammer – Marcus Hearn propose de retrouver l’autre élément qui en a fait la gloire: les affiches, magnifiques, audacieuses, pour beaucoup peintes par des artistes anglais comme Bill Wiggins ou le prolixe Tom Chantrell, avec des variations ou des créations originales selon les pays. Pouvant s’exposer au frontispice des cinémas londoniens sur plusieurs dizaines de mètres carrés, elles avaient pour fonction d’hypnotiser et de capturer le spectateur potentiel, en jouant sur ses bas instincts et son voyeurisme.

On exagère alors les postures lascives, les gorges déployées, les pauses grandiloquentes, le sang grand-guignolesque, les slogans chocs… L’affiche est souvent plus intrigante que le long métrage dont elle dévoile les déviances alors moralement discutables. On peut aisément le vérifier à travers les centaines d’images sélectionnées par Marcus Hearn. Autres temps, autres mœurs, l’horreur d’alors devient le classique d’aujourd’hui et le populaire, détesté par la critique, la référence.

par Romain Meyer

Marcus Hearn
L’art de la Hammer
Akileos

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