Amos Oz: Judas… ce fidèle apôtre

Amos Oz nous mène en bateau. Au fil des premières pages de Judas, le lecteur est à la dérive. Le titre est un concentré de connotations explosives, le début est à retardement. Dans la Jérusalem de 1959, trois personnages vivent sous le même toit le temps d’un hiver. Un grand-père bavard. Sa belle-fille revêche et mystérieuse. Ainsi qu’un jeune homme engagé pour faire la conversation.

Sous le couvert d’une histoire anodine, le ténor des lettres israéliennes compose une mosaïque. Le lecteur réalise bientôt qu’une image d’ensemble se dessine, extensible à l’infini. On y voit Judas sous un autre jour. Judas Iscariot, «l’impresario» du spectacle de la crucifixion certes, mais aussi «le seul chrétien qui ne quitta pas Jésus d’une semelle ni ne le trahit». Quand Jésus agonisait sur la croix, il était présent, persuadé jusqu’à la fin que le fils de Dieu accomplirait le miracle capable de les convaincre tous. La foule se gaussait: «Sauve-toi toi-même!» Et «Judas n’était pas en reste: “Descends, Rabbi. Maintenant. Il est tard, le peuple commence à se disperser. Descends. Ne tarde plus.”»

Après le tour en bateau, c’est le décollage. Amos Oz ouvre grand les fenêtres. La théologie rencontre le politique. L’intime se mêle à l’histoire du monde. Israël doit faire un choix. En toile de fond, cette idée: celui qu’on qualifie de traître est parfois le seul qui a le courage de changer les choses.

Par Yann Guerchanik

Amos Oz, Judas, Gallimard, 352 pages

Posté le par Eric dans Littérature, Livres Déposer votre commentaire

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