Quelle étrange et merveilleuse découverte! A la première écoute de La maison sous les eaux, on pense d’abord à une blague. On se dit qu’il n’est plus possible, en 2016, de chanter de telles mélodies vocales, à la fois si kitsch et si émouvantes. Mais non… Enregistré à Saint-Sulpice-des-Rivoires, dans le massif de la Chartreuse (Isère), le premier disque de Facteurs Chevaux inquiète autant qu’il fascine.

Les fleurs ne se coupent pas
Car leur cœur, sinon, flétrit
Elles flanchent, comme les soldats
Sous les franges d’une longue pluie.

Plus personne n’écrit de la sorte depuis Boileau… Ou peut-être Gérard Manset, à ses moments de perdition. Sammy Decoster et Fabien Guidollet s’en contrefichent. Que l’enchevêtrement de leurs deux voix rappelle les Everly Brothers? Ils en ont cure. Que leurs arrangements de guitares doivent autant à la musique médiévale qu’au Partisan de Leonard Cohen ou au Ghost rider de Suicide? Ils assument.

Ces deux troubadours-là aiment le contre-pied. Leur disque, ils l’ont en partie enregistré dans une église, eux qui adorent se produire dans des chapelles, des grottes souterraines ou des refuges de montagne. Car la nature sauvage, en particulier la forêt, est omniprésente dans leurs chansons contes, comme ils les appellent. Il y est question de renards («La terre les a mangés / Les poules ont picoré, leur ont picoré les yeux / Demain est-ce qu’on fera pareil? / En égorgeant ceux qui nous gênent / Pour repeindre de sang le soleil»), d’un grand if, d’une route aux marronniers centenaires, d’une claire fontaine…

Ces huit chansons de Facteurs Chevaux ne ressemblent à rien de connu et c’est tant mieux. A l’évidence, le duo ne passera pas en radio et sera certainement épargné du succès. Là encore, tant mieux. Certains détesteront La maison sous les eaux. Au contraire, on en redemande, d’une telle beauté sans âge, d’une telle élégance d’écriture, d’une telle classe.

Facteurs Chevaux
La maison sous les eaux
La Grange aux Belles / Modulor