Le surréalisme hyperréaliste d’Erik Johansson

Le jeune artiste suédois Erik Johansson vient de publier Imagine, son premier recueil de photomontages surréalistes d’un réalisme bluffant, sans tomber dans le kitsch.

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par Christophe Dutoit

A la question «comment définiriez-vous votre style?» Erik Johansson donne cette réponse sur son site internet: «Un surréalisme photoréaliste ou, pour préciser, des idées surréelles réalisées de manière réaliste et avec une pointe d’humour.»

De l’humour, le Suédois âgé de 31 ans n’en manque pas: depuis plu-sieurs années, il montre sur la toile ses photomontages drôles et profonds, qui mettent en scène de petits humains en interaction avec une nature surpuissante. Sur chacun d’entre eux, un dysfonctionnement perturbe la normalité de la vie, comme dans l’œuvre de René Magritte, que le plasticien cite comme l’une de ses principales influences.

Alors que sa toute première exposition s’est achevée ce week-end au Fotografiska de Stockholm, le jeune homme publie Imagine, son premier recueil de manipulations.

Premier natif de l’informatique
Né en 1985 dans la petite ville de Götene, à une centaine de kilomètres au nord de Göteborg, le gamin grandit avec ses deux petites sœurs dans une nature sauvage, «des larges paysages verdoyants où pointent des maisons rouges». Sa grand-maman lui inocule très tôt le virus de la peinture et son papa apporte déjà un ordinateur à la maison au mitan des années huitante.johansson-impact

Comme tous ces premiers ados natifs de l’ère informatique, il goûte aux jeux vidéo et domestique les octets plus rapidement que son paternel. Autodidacte aussi bien en photographie qu’en retouche, Erik Johansson commence à bidouiller à l’âge de 15 ans, lorsqu’il reçoit son premier appareil numérique. «J’ai rapidement senti que je voulais apporter quelque chose de plus aux photos. Je jouais avec l’informatique pour essayer de créer quel-que chose que l’appareil ne pouvait capturer. Au départ, je faisais des modifications basiques, comme poser mes sœurs sur le toit de la maison.»

De tutoriels en essais fructueux, il trouve sa voie dans la manipulation hyperréaliste, mais sans la grandiloquence des effets spéciaux hollywoodiens. Parmi ses sources d’inspiration, il cite évidemment Salvador Dalí, mais aussi les images oniriques du peintre canadien Rob Gonsalves ou les illustrations de l’Australien Shaun Tan.

Impossible photographie
En parallèle à ses images personnelles, il répond rapidement à des commandes, d’abord pour des agen-ces de publicité locales. Il commence à travailler en indépendant à côté de ses études, sans penser qu’un jour ce sympathique hobby déboucherait sur un métier. Repéré grâce aux réseaux sociaux, il répond en quelques années à des commandes de Google, Adobe, Microsoft et National Geographic. Ce qui l’amène à donner, en 2011, une conférence dans le cadre du célèbre programme TED avec pour titre Impossible photographie. Le jeune Suédois quitte alors la Scandinavie pour Berlin, où il fait son nid durant cinq ans, avant de se relocaliser à Prague il y a tout juste six mois.erik_johansson_portrait

Comme il l’explique sur l’une de ses nombreuses vidéos tournées dans les coulisses de ses créations, Erik Johansson commence invariablement par esquisser à la main l’idée qu’il a en tête. Si la faisabilité du projet est éprouvée, sa planification peut durer de quelques jours à des années. «Je définis à l’avance le look et le ressenti de la photo. Je dois également régler les problèmes de perspectives et de réflexions, toujours dans le but d’être le plus réaliste possible», écrit-il sur www.erikjohanssonphoto.com.

Ensuite, l’artiste passe à la réalisation des images, sur lesquelles il tient à avoir un contrôle total. «Je n’utilise jamais des clichés d’une banque d’images. Je veux tout faire moi-même. Ça me limite sans doute d’une certaine manière, je ne peux pas faire aboutir toutes mes idées. Mais ça m’aide à définir ma ligne.»

«Assembler le puzzle»
Arrive enfin la dernière étape – «la plus facile», à ses yeux – celle de la manipulation informatique à proprement parler. «Si j’ai fait du bon travail auparavant, je n’ai plus qu’à assembler le puzzle», explique cet ingénieur en informatique qui a terminé un master en interaction design. «Dans mes photos, je ne capture pas des moments, mais des idées.» Ses illusions de la réalité, toujours très fines, parlent de petites apocalypses, de cataclysmes naturels sans conséquence, comme autant de signaux d’alerte. Elles possèdent ce trouble qui évoque l’inquiétante étrangeté théorisée par Freud. Sans tomber dans le kitsch ni la démonstration virtuose de sa maîtrise. Du grand art.

Erik Johansson, Imagine, Max Strom (textes en anglais), www.erikjohanssonphoto.com

 

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