Le Père Noël est toujours une ordure, près de quarante ans après

Molière de la révélation théâtrale 2005, Emmanuelle Bougerol a intégré La Troupe à Palma­de en 2012. Elle joue Zézette dans la nouvelle version du Père Noël est une ordure, ce samedi 13 février à CO2. Entretien.

©Fabienne Rappeneau

Par Eric Bulliard

Comment avez-vous réagi quand on vous a proposé ce rôle de Zézette?
Emmanuelle Bougerol: J’ai évidemment été folle de joie, parce que c’est très excitant de reprendre une pièce culte, qui ne s’était pas jouée depuis près de quarante ans! Mais j’ai été aussi un peu effrayée par l’enjeu, le poids du personnage de Zézette. Marie-Anne Chazel avait un dentier qui lui avait été fabriqué exprès, avec des chicots en avant, démesurément grands, mais Pierre Palmade m’a tout de suite dit que je n’en aurais pas et ça m’a soulagée! Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire, mais au moins je pouvais me démarquer de ça.Bougerol

Respecter l’original sans tomber dans l’imitation devait constituer une des difficultés de ce projet…
Oui, d’autant plus que Pierre a pris le parti de faire une mise en scène en hommage, assez conforme à l’original. Il voulait qu’on retrouve l’esprit, qu’on ne cherche pas à surexister sur un truc culte, mais qu’on se coule dedans, pour recréer le plaisir du live. C’est aussi comme ça qu’il nous a castés: il voulait un ADN commun entre les acteurs d’origine et nous. Après, quand il trouvait que c’était trop ressemblant dans la voix, il nous demandait d’essayer autre chose.

Vous jouez devant un public qui connaît quasiment toutes les répliques par cœur: comment réagit-il?
Parfois on les entend… Les gens ont vu le film et la pièce dix fois à la télé, mais ils ne l’ont pas vu en live, à de très rares exceptions près, et c’est un autre plaisir, percutant. Bien sûr, nous ne sommes pas les gens du Splendid, mais les punchlines, les phrases que tout le monde connaît, on les dit devant eux. Nous créons quelque chose d’assez fidèle, avec une énergie proche.

L’énergie doit d’ailleurs être constante…
C’est sûr… Marie-Anne Chazel nous a dit: «On mouillait notre chemise, on était en nage tous les soirs.» Ils étaient punk, à l’époque! C’était très osé: ces personnages sont des rustres, des gens sans foi ni loi, donc on ne peut pas être dans une demi-mesure, sinon, ça ne passe pas la rampe.

Le Père Noël, c’était nouveau et même si c’est une grosse potacherie trash, elle fait partie de notre patrimoine.

Pour vous, personnellement, Le Père Noël est-il une pièce et un film cultes?
Ça m’avait fait mourir de rire à l’époque, mais je ne suis pas tout à fait comme les aficionados qui ont vu 250 fois le film et connaissent absolument tout par cœur. Mais j’adore évidemment cette troupe, aussi pour ce qu’ils ont fait ensuite. Pour un acteur qui aime bien faire rigoler, elle est une référence de taille. Le Père Noël, c’était nouveau et même si c’est une grosse potacherie trash, elle fait partie de notre patrimoine.

Une potacherie qui n’est pas seulement une suite de gags…
Oui, Balasko, paraît-il, est très solide en termes de scénario. Ils nous ont un peu raconté comment ils écrivaient: ils étaient chez Balasko, ça fusait de partout. Pas mal de choses cultes émanent aussi d’Anémone, qui n’est pas créditée comme auteure parce qu’elle est arrivée après. «C’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim», elle nous a expliqué que c’était sa vieille tante qui disait ça tout le temps… Ils ont dû exploser de rire et valider la vanne.


Votre personnage de Zézette a un côté assez émouvant: comment la voyez-vous?
Je le vois aussi comme ça… Pierre m’a beaucoup demandé qu’elle ait un regard de poisson rouge: rien ne l’atteint. Elle se fait taper par son Félix, mais elle est cuirassée. Elle n’est pas geignarde et c’est ce qui me touche dans sa naïveté. Et il y a deux ou trois passages tendres, quand elle demande à Pierre de lui offrir la boîte orange, parce qu’on ne lui a jamais offert de cadeau à Noël. C’est quand même la grande misère, chez tous ces personnages…

Le fait de fonctionner comme une troupe, comme Le Splendid, estimez-vous que c’est indispensable pour ce genre de projet?
Nous avons beaucoup de complicité, une fraternité dans le fonctionnement et je pense que le public le ressent. On se connaît tous, on a régulièrement joué des pièces qu’on a écrites nous-mêmes et c’est très précieux. Je ne vois pas comment des gens qui ne pourraient pas se blairer ou qui n’ont pas l’habitude de bosser ensemble pourraient arriver à ce résultat. Mais c’était aussi important dans le fait que Le Splendid ait accepté de confier les droits à Pierre Palmade.

Une critique de l’époque affirmait que c’était «une farce très bête écrite avec beaucoup d’intelligence»…
Tout à fait! Je ne sais pas pourquoi, ça m’évoque l’opérette, écrite par des érudits, alors que c’est des choses très bêtes! C’est pareil: pour rendre cette bêtise drôle, il faut de l’intelligence, un sens du rythme… Ce groupe-là avait cette magie.

La Tour-de-Trême, salle CO2, samedi 13 février, 20 h. Réservations: Office du tourisme de Bulle, 026 913 15 46, www.labilletterie.ch, www.co2-spectacle.ch

 

Culte depuis quatre décennies
Pendant près de quarante ans, Le Splendid a refusé toutes les sollicitations de troupes professionnelles: pas question de céder les droits du Père Noël est une ordure. Seuls des amateurs ont repris régulièrement cette pièce créée en 1979, rendue encore plus célèbre par le film de 1982. Les six auteurs (Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Bruno Moynot) ont fini par accepter la proposition de Pierre Palmade. Avec des comédiens de La Troupe à Palmade, il a mis en scène une version fidèle à l’original, créée à Paris à l’automne 2014.

Rappelons que l’histoire se déroule à la veille de Noël, dans le bureau de SOS Détresse Amitié, où Pierre et Thérèse reçoivent quelques appels, puis des visites qui font basculer la soirée dans l’hystérie. L’humour du Splendid se révèle sans limites (surtout pas celles du bon goût) et multiplie situations et répliques devenues cultes. Comme «c’est celaaaaaa, oui» ou «Thérèse n’est pas moche. Elle n’a pas un physique facile. C’est différent»…

Posté le par Eric dans Humour, Théâtre Déposer votre commentaire

Ajouter un commentaire