«Blackstar», le requiem testament de David Bowie

Trois jours avant de tirer sa révérence, David Bowie publiait son 26e album intitulé Blackstar. Un disque crépusculaire et hanté par la mort, enregistré avec un groupe de jazz expérimental new-yorkais.

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par Christophe Dutoit

Evidemment, le décès de David Bowie, annoncé lundi matin, permet une nouvelle lecture de Blackstar, son ultime album publié il y a tout juste une semaine. Evidemment, le clip de Lazarus, le deuxième extrait du disque, semble du coup si prémonitoire. Couché sur un lit, le visage barré par d’étranges bandelettes, David Bowie chantait: «Look up here, I’m in heaven / I’ve got scars that can’t be seen / I’ve got drama, can’t be stolen / Everybody knows me now (Regarde ici, je suis au paradis / Je porte des cicatrices qui ne peuvent être vues / Je vis des drames qui ne peuvent être volés / Tout le monde me connaît maintenant).»

Eloigné de la scène depuis 2004, autant pour des raisons de santé que pour s’affranchir d’une vie publique trop pesante, le chanteur anglais était sorti une première fois de son mutisme le 8 janvier 2013. A la surprise générale, il publiait un premier titre, enregistré dans le plus grand secret. Deux mois plus tard, l’album The next day (lire ici la chronique du disque) confirmait ce retour inespéré. Sans donner la moindre interview, sans apparaître une seule fois en chair et en os, David Bowie était partout. Il était même entré de son vivant au musée, à l’occasion d’une incroyable exposition au V&A de Londres.

Depuis l’automne dernier, on savait que David Bowie avait enregistré un nouvel opus. Mais on n’imaginait pas que ce serait son testament. Ou son requiem.

L’histoire de Blackstar – racontée par ses musiciens dans l’excellent dernier numéro de Rolling Stone – remonte au printemps 2014. Un certain dimanche, Bowie se rend incognito au 55 Bar, en plein cœur de Soho, pour écouter le saxophoniste Donny McCaslin et ses trois musiciens. «Qu’est-ce qui a pu lui plaire ce soir-là? se demande aujourd’hui le claviériste Jason Lindner. L’atmosphère était puissante, la musique intense, atonale, industrielle, un mix de noise, de bruitages…»

Je ne sais pas ce qui se passera ici, mais prenons notre pied!

Neuf mois plus tard, le groupe se retrouve à sa plus grande surprise au Magic Shop, un petit studio dans le Lower East Side. Une invitation de Bowie ne se refuse pas, quel qu’en soit le dessein… «L’endroit était assez petit, nous étions collés les uns aux autres du matin au soir, se souvient McCaslin. La pièce était truffée d’instruments. Le premier jour, David m’a dit: “Je ne sais pas ce qui se passera ici, mais prenons notre pied!”»

«On essayait tous ensemble»
Peu auparavant, le chanteur avait transmis par e-mail quelques titres à ces jazzmen expérimentaux, des pointures aussi talentueuses qu’inconnues du grand public. Restait à les enregistrer, sous la houlette du fidèle producteur Tony Visconti. «David me montrait beaucoup de phrasés au piano ou à la guitare, d’une façon très humble, raconte Lindner. Je suis intervenu avec mon propre univers sonique et on essayait tous ensemble.»

En trois semaines, le groupe met en boîte une quinzaine de chansons, dont sept se retrouvent sur l’album. A commencer par le monument Blackstar, dix minutes d’une symphonie électro-jazzy magnifiquement portée par la voix intense du maître et le saxophone ivre de McCaslin. Aussi fascinant que lorsque Bashung chantait Comme un Légo sur son dernier disque…

Hormis ce titre phare, Bowie retrouve sur Sue (or in a season of crime) ses rythmiques drum and bass déjà expérimentées sur l’album 1.Outside, en 1995. Sur Dollar days, il signe une magnifique ballade à la guitare acoustique. Sur I can’t give everything away, il conclut sur un sublime solo de guitare de Ben Monder, ultime hommage au fameux Moonage daydream enregistré en 1971 avec Mick Ronson .

Si la prémonition de Lazarus est vraie, David Bowie devrait ressusciter de ses étranges bandelettes. Une chose est toutefois certaine: depuis plus de quarante ans, sa musique est, elle, déjà passée à la postérité.

David Bowie
Blackstar
Sony

 

 

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