Blaise Hofmann: on l’avait surnommé Capucine

capucineMannequin, elle a été l’égérie de Givenchy. Actrice, elle a tourné pour Cukor, Fellini, Blake Edwards, Mankiewicz, a côtoyé John Wayne, Claudia Cardinale, Alain Delon… Capucine a vécu une vie de star, dès les années 1950, avant de se retirer à Lausanne. L’ancienne vedette de Saint-Germain-des-Prés et de Hollywood lit beaucoup, écrit à ses amis, va rendre visite à Audrey Hepburn, installée à Tolochenaz. Et se bat contre la dépression, qui finit par la vaincre: Capucine se jette de son balcon le 17 mars 1990.

«Qui se souvient encore de Capucine?» Cette question sert de fil conducteur au livre et à l’enquête que mène Blaise Hofmann. L’écrivain vaudois part à sa recherche et nous invite à le suivre, en démarrant à Saumur, là où a grandi Germaine Lefebvre, devenue Capucine en 1952, quand Hubert de Givenchy en fait une star. «Changer de nom, c’est effacer le passé, rompre avec ses origines», écrit Blaise Hofmann.

L’auteur d’Estive et de Marquises interroge ceux qui l’ont connue, Hubert de Givenchy comme l’ancienne concierge de son immeuble lausannois. Il rencontre aussi des journalistes, fouille les archives de la cinémathèque suisse et tourne autour de Capucine, sans cacher ses doutes et son impuissance: «Mon héroïne Capucine2manque d’épaisseur, c’est un fait.» Il va jusqu’à endosser le «je» de l’actrice, imaginant par exemple sa lettre d’adieu avant de se raviser: «Pour qui te prends-tu? As-tu conscience d’être en train de rédiger ma lettre d’adieu? (…) Stop. Plus un mot dans cette direction. Il y a des zones interdites, des espaces réservés aux intimes, aux initiés.»

Comme dans chacun de ses livres, Blaise Hofmann demeure ainsi d’une honnêteté sans faille, écrivant au plus près de son sujet, qu’il s’agisse de voyages au bout du monde ou d’une actrice oubliée. Avec Capucine, il signe le portrait éclaté et sensible, documenté et touchant d’une femme portée vers la lumière, avant d’être ramenée dans l’ombre: «Le plus dur, c’est la solitude. La plupart de ses amis étaient des collègues. Le travail est fini et ils sont partis.» Et l’on referme le livre la gorge serrée, encore sous le choc d’un ultime chapitre d’une force exceptionnelle.

Par Eric Bulliard
Blaise Hofmann, Capucine, Zoé, 216 pages

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