Jules Decrauzat, pionnier de l’instantané

Dès aujourd’hui, la Fondation suisse pour la photographie, à Winterthour, met en valeur le travail de Jules Decrauzat, ce Biennois dont une partie des archives vient d’être exhumée. Splendide redécouverte.

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texte Christophe Dutoit
© Keystone / Photopress-Archiv / Jules Decrauzat

Le travail de Jules Decrauzat aurait bien pu ne jamais sortir de l’oubli dans lequel il est tombé au début des années 1960. Il aura en effet fallu un mystérieux concours de circonstances pour que près de 1250 négatifs sur verre, datés de 1910-1925, ressurgissent récemment des archives de l’agence Keystone, où ils avaient été classés sous une cote anonyme. Depuis aujourd’hui, la Fondation suisse pour la photographie, à Winterthour, rend hommage à cet homme d’exception, pionnier de l’image instantanée et parmi les premiers photographes d’actualité en Suisse.

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© Keystone / Photopress-Archiv / Jules Decrauzat

Jules Decrauzat naît en 1879 à Bienne, où il passe sa jeunesse. A l’âge de 16 ans, il étudie la sculpture à Genève, puis monte à Paris pour y pratiquer son art. Au tournant du siècle, le jeune homme découvre le cinéma tout juste inventé par les frères Lumière et le photojournalisme qui éclôt dans les premiers magazines.

En 1899, le reporter réussit à saisir «en pleine action» l’agresseur de l’avocat d’Alfred Dreyfus. Ce coup d’éclat lui permet de vendre son image à bon prix à L’Illustration et lui ouvre les portes d’une carrière internationale. L’année suivante, il est envoyé en Afrique du Sud pour couvrir la guerre des Boers. Puis en Amérique du Sud. Sa réputation est alors faite en France et bientôt dans son pays natal, lorsqu’il rejoint, en 1910, la jeune rédaction de La Suisse Sportive, le premier bimensuel helvétique consacré au sport.

Gordon-Bennett et Motosacoche
Avec son lourd appareil, Jules Decrauzat photographie aussi bien le passage du Tour de France à Genève, en 1922, que les ballons de la Gordon-Bennett. Surtout, il s’intéresse particulièrement aux sports automobiles alors en pleine effervescence. Très vite, il comprend l’impact de l’image prise sur le vif: il saisit un tennisman en plein vol, un fou de kilomètre lancé sur sa Motosacoche ou les essais plus ou moins fructueux des pionniers de l’aviation. Pour la première fois, le mouvement remplace la pose traditionnelle.

Jules Decrauzat n’est aujourd’hui non seulement plus un inconnu, mais de nouveau la célébrité qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.

En mai 1912, le photographe couvre la Coupe de la Gruyère, un rallye organisé par l’Automobile Club de Suisse, dont l’arrivée se situe au col du Jaun. Tels d’intrépides Brigades du Tigre, les équipages pilotent leur Pic-Pic, leur Martini, leur Cottin-Desgouttes et autres guimbardes de musée sur les chemins en terre devant le décor majestueux des Gastlosen. Dans un nuage de poussière, Jules Decrauzat immortalise cette scène hors du temps, à la fois d’une modernité fascinante – quelle vitesse! quel courage! – et empreinte d’une nostalgie pour cette Belle Epoque révolue. Grâce aux efforts conjugués de Keystone et de la Fondation suisse pour la photographie, Jules Decrauzat n’est aujourd’hui non seulement plus un inconnu, mais de nouveau la célébrité qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.

Winterthour, Fondation suisse pour la photographie, jusqu’au 11 octobre. www.fotostiftung.ch

Jules Decrauzat – Der erste Fotoreporter der Schweiz, Echtzeit Verlag. www.echtzeit.ch

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