Valérie de Roquemaurel et son époux Yann Oulevay exposent leurs créations en verre au Musée de Charmey. L’occasion de découvrir cette tradition séculaire au travers de deux approches et deux techniques très contemporaines.
par Christophe Dutoit
Elle est française, a étudié aux Beaux-Arts et reste indubitablement attachée à l’objet fonctionnel, tels des luminaires ou des vases colorés… Lui est suisse, vaudois pour être précis, s’est formé à la maîtrise du verre comme compagnon et considère irréfragablement sa pratique comme un art à part entière. Valérie de Roquemaurel et Yann Oulevay sont tous deux maîtres verriers, époux à la ville et, avant d’inaugurer en juin leur nouveau four dans la campagne yverdonnoise, exposent leurs œuvres récentes au Musée de Charmey jusqu’au 21 juin.
«Tous deux ont des chemins très distincts et ils représentent les deux grandes tendances de l’art du verre contemporain», s’enthousiasme le conservateur Patrick Rudaz, heureux de poursuivre à Charmey son exploration des métiers d’art appliqué. Honneur à Madame. Au premier étage, Valérie de Roquemaurel expose ses verres soufflés découpés au sablage, une technique à froid qui nécessite doigté, précision et beaucoup de force. A l’aide de chablons, elle dessine en effet des motifs géométriques qui, une fois que le sable projeté sous pression a matifié le verre, trahit le souvenir du pochoir et forme des arabesques brillantes, à l’image de ce magnifique Moucharabieh ambre. Plus loin, ses découpes dévoilent ici des nuages, là des corps de femmes en transe, clin d’œil tant aux antiques amphores hellènes qu’aux danseuses de Matisse.
«Valérie de Roquemaurel considère ses créations d’abord comme des objets utilitaires», explique Patrick Rudaz. A commencer par sa série de Luminaires bulle, ces boules de verre sablé qui filtrent la lumière à travers leur couleur bonbon sucré, souvenirs décalés de décoration intérieure des années huitante.
«Je danse avec lui»
Au second étage, Yann Oulevay affranchit d’emblée toute fonction à ses pièces. Même si elles ressemblent à des flacons exagérément grands, ses Fioles colorées rappellent des aiguières dont l’anse a été remplacée par des bulles de verre. Des billes extérieures, qui rappellent ces bulles d’air parfois prisonnières de la masse, ennemies caractérisées du souffleur de verre. «J’ai trop souffert durant mes années d’apprentissage, a-t-il dit un jour. Aujourd’hui, je chante et je danse avec lui…» Actif depuis bientôt une vingtaine d’années, Yann Oulevay s’est notamment formé à la pratique du verre auprès du couple Philip Balwin et Monica Guggisberg, avant de poursuivre ses expériences à Murano et aux Etats-Unis. Il exploite d’ailleurs plusieurs techniques vénitiennes, comme le filigrane dans Graine Silvano, en hommage à l’un de ses maîtres, ou la découpe à froid à la meuleuse, qui aboutit à ce magistral Disque orange et rouge, qui porte les stigmates des attaques de la meule, métaphore d’un fil de fer barbelé stylisé. Un chef-d’œuvre.
«La tradition du verre est séculaire, mais leur approche et leur technique sont très contemporaines, expose Patrick Rudaz. Nous consacrons également un espace à la projection d’un film sur le travail de Yann Oulevay, qui en dit long sur sa technique virtuose, mais qui ne sent pas le dessous-de-bras…»
Charmey, Musée de Charmey, jusqu’au 21 juin. www.musee-charmey.ch
