Tordu et distordu, le fuzz selon Monoski

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Vendredi, le duo fribourgeois Monoski vernit au Bad Bonn son deuxième album intitulé Pool party. En trente-six minutes hypertendues, Floriane Gasser et Lionel Gaillard prouvent qu’ils forment l’un des groupes les plus intéressants de la scène rock helvétique.

par Christophe Dutoit

«A 35 ans, on mène une vie normale. On a sans doute davantage de confort qu’auparavant, mais ça ne veut pas dire que nous n’avons plus le droit d’écouter de la musique fort!» Dans le salon cosy de leur maison en dessus de la vallée du Gottéron, Floriane Gasser et Lionel Gaillard ne laissent pas transparaître qu’ils se transforment – la nuit venue, une fois leur petit Colin tombé dans les bras de Morphée – en loups-garous survoltés au sein de Monoski. Un binôme guitare/batterie qui sonne comme une artillerie lourde, un tandem qui vernit ce vendredi au Bad Bonn de Guin son deuxième album, l’excellent Pool party.

La naissance de leur fils, pas plus que le prix Demotape Clinic du M4Music en 2102, n’a modifié leur obsession pour le gros son. «Avec le temps, on est devenu plus exigeants, affirme le couple d’une seule voix. On n’a ni le temps ni l’énergie de tout faire. En fait, on devient rare. Ce qui n’est finalement pas un mal. Désormais, on essaie de jouer dans des endroits cool, dans de bonnes conditions.»

C’est plus difficile de composer avec un son si ténu. Au bout d’un certain temps, on a besoin de retrouver la dynamique des amplis.

Après le très bon accueil réservé au premier album de Monoski (No more revelations, en 2011), très inspiré par son séjour new-yorkais, le couple s’est remis au travail, dans un tout autre contexte. «On a composé les morceaux à la maison, le soir, au casque, raconte Floriane Gasser. Je jouais sur une batterie électronique qui donne un son très pourri et la guitare de Lionel était très gling-gling…»

N’allez cependant pas croire que le groupe a composé des comptines au coin du feu. Que non! Ces conditions spartiates ont permis au duo de créer une solide charpente à ses nouvelles chansons. «C’est plus difficile de composer avec un son si ténu, explique Lionel Gaillard. Au bout d’un certain temps, on a besoin de retrouver la dynamique des amplis.» Comprenez: le fuzz, que le guitariste a mis une quinzaine d’années à dompter à grand renfort de pédales d’effet, de bidouillages et d’expérimentations. «Finalement, je pense qu’on a besoin de jouer assez fort.»monoski-3

Graisseux, sale, rugueux
A ce stade de l’article, il convient de rappeler que le son (appelez-le raffut, vacarme, boucan, fracas…) qui sort de la Gretsch de Lionel est tout à la fois surpuissant, graisseux, sale, rugueux. Et que le jeu de batterie de Floriane offre un contrepoint métronomique à cette déferlante bruitiste. «C’est un défi pour nous de jouer à deux, avec juste une batterie, une guitare et des voix, explique Lionel. On a essayé de perdre le côté bluesy du premier album. En fait, on commençait à en avoir marre que les gens nous comparent sans cesse aux White Stripes. On voulait se démarquer, se détacher de cette étiquette.»

L’an dernier, le tandem se rend en deux temps à Zurich, dans le studio de Gabriele de Mario, le mentor de Disco Doom et «maître à penser» de Monoski. Dans l’urgence de l’instant, le groupe enregistre à l’ancienne, sur bande magnétique, en général entre une et trois prises. «Contrairement au premier disque, nous avons ajouté quelques overdubs de guitare au mixage. On est peut-être devenu moins puristes, mais on y a gagné en dynamique.»

Personnellement, je n’écouterais pas ce disque à la maison… Mais à fond dans la voiture.

Sur Pool party, dire que le son est plus agressif, que les morceaux sont plus massifs, est un euphémisme. «Ce dis-que est une forme de catharsis, affirme Floriane. En fait, on ne se pose pas trop de questions, ça sort comme ça.» En aparté, elle évoque la noirceur de certains textes, l’inconfort de certaines musiques. «Personnellement, je n’écouterais pas ce disque à la maison… Mais à fond dans la voiture! confesse-t-elle. On m’a dit que je jouais comme le batteur de Black Sabbath!» Pourquoi pas. Disons surtout que l’ensemble sonne entre le stoner et le postrock, avec la touche très mélodique des voix superposées de Lionel et des chœurs de Floriane. Même si le couple l’avoue: «On aurait parfois tendance à chanter trop fort.» Un comble…

Guin, Bad Bonn, vendredi 23 janvier, dès 21 h 30.
Infos: http://club.badbonn.ch

 

Histoire de piscine

monoski-coverSur la pochette du vinyle, un homme, pattes d’éléphant, veste jaune, chemise rose, au bord d’une piscine vide. On se croirait dans la touffeur californienne des seventies décadentes. A l’intérieur du disque, surprise… Conçu par Lionel Gaillard, graphiste à la ville, le monde visuel de Monoski évoque ses «obsessions» américaines, déjà entrevues lors de son accrochage de peintures au Nouveau Monde, en 2014. En outre, ce visuel boucle une histoire débutée en 2013 lorsque le groupe donna l’un de ses meilleurs concerts dans la «piscine» des abattoirs de Fribourg.

Surtout, Pool party est un condensé de rock sous haute tension, dès les premiers soubresauts d’Imaginary spheres, impeccable raz de marée sonique. En neuf titres uppercuts et sans compromis, Monoski pousse le fuzz dans ses derniers retranchements, au gré de compositions tordues et distordues, à la fois évidentes et consciemment chaotiques. Un régal.

 

Monoski
Pool party
Vitesse Records/Irascible
www.monoskimusic.com

 

 

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