«On joue tous le jeu de vivre à Bulle au XXIe siècle»

Vendredi, deux musiciens bullois de carrure internationale – Grégoire Quartier et Arnaud Sponar – proposent leur dernière création dans le cadre du festival Altitudes. Point commun: les changements climatiques. Lire ici la critique de la soirée.Grégoire Quartier © C.Haymoz

par Christophe Dutoit

On connaissait Grégoire Quartier comme batteur de Cortez, ce groupe ultime dont le dernier album Phœbus a eu un retentissement mondial. De retour de sa seconde tournée américaine avec Disco Doom, le musicien bullois de 35 ans livrera, vendredi à Ebullition, une facette encore plus contemporaine de son art.

Avec ses musiciens, il jouera son Projet human nature, une commande du festival Altitudes. «On ne m’avait jamais fait une telle demande auparavant, explique le Bullois qui a notamment étudié à New York. Au départ, j’étais assez timide, je me demandais “quel droit” j’avais de faire ça.» Le premier doute passé, Grégoire Quartier se met au travail, avec une idée en tête. «Les codes, c’est rigolo. Mais, en sortir, c’est encore mieux!»

J’aimerais que le public aille au-delà du simple “j’aime/je n’aime pas”, mais que ce soit plutôt “j’ai compris/je n’ai pas compris”.

Sa carte blanche se compose de cinq tableaux, qui mêlent musique ambient, compositions spontanées, improvisations, élans bruitistes et pièces de clapping music de Steve Reich. «C’est une pièce intellectuelle, sans compromis, qui demande au public d’être actif, car on joue tous le jeu de vivre à Bulle au XXIe siècle», explique le compositeur qui répète depuis plusieurs jours dans la salle où il fut également programmateur. «Ce n’est pas un spectacle sympathique. La question des changements climatiques est bien trop grave pour ne passer qu’un bon moment. J’aimerais que le public aille au-delà du simple “j’aime/je n’aime pas”, mais que ce soit plutôt “j’ai compris/je n’ai pas compris”.»

Responsabilité en question
La création de Grégoire Quartier entend également questionner les spectateurs. «Nous vivons dans un monde où chacun rejette la responsabilité sur les autres, alors que le problème est global. On se dit: “Mieux vaut que tout le monde souffre en même temps, plutôt que je me sacrifie tout seul”.» Sans trahir de secret, la fin de la pièce illustrera ce propos, par la métaphore.
Fasciné par la politique – «mes parents étaient au Conseil général de Bulle, nous avons une tradition de gauche, donc je n’ai pas peur des causes perdues» – le Bullois ne livre pas un discours moraliste ni un retour vers le mouvement hippie. Mais plutôt une prise de conscience. «J’ai le même problème, je culpabilise aussi intérieurement, car je suis aussi la cause, je vis dans le même paradoxe. La seule différence est peut-être que j’en suis conscient.»

Tout le monde se demande s’il y a une vie après la mort. Moi, je me demande s’il y a une vie avant la mort.

Avec cette œuvre urbaine et ambitieuse, Grégoire Quartier vise le haut du panier de la création contemporaine. «Ce travail a surtout nourri ma propre réflexion», avoue le Bullois, qui reprend un aphorisme de Pierre Rabhi en guise de conclusion: «Tout le monde se demande s’il y a une vie après la mort. Moi, je me demande s’il y a une vie avant la mort.» A méditer.

Bulle, Ebullition, vendredi 16 mai, 22 h

 

Documentaire expérimental

En deuxième partie de soirée, Goodbye Ivan présentera en première mondiale Clim8, un documentaire expérimental sur les changements climatiques. Egalement commandé par Altitudes, ce projet est le fruit d’une collaboration entre le musicien Arnaud Sponar, une marionnettiste et deux vidéastes new-yorkais. «J’habite à Brooklyn depuis bientôt trois ans, explique le Français d’origine qui a passé une partie de son adolescence à Bulle. Au début du processus, on a parlé ensemble des structures, des ambiances. Puis j’ai composé la musique de mon côté et ils ont tourné les images, à New York, mais aussi en Moldavie et en Géorgie.»clim

D’une durée de quarante-cinq minutes, le moyen métrage se déroule en quatre volets: l’air, l’eau, les changements et une «brûlure» finale. «Le film est principalement basé sur la musique, explique son auteur. Il n’y a pas de paroles. Simplement des images issues d’une recherche expérimentale, des coquillages qui se dissolvent dans l’acide, des poumons en forme de sacs d’aspirateur, des robinets qui fuient…»

Dans les festivals et sur scène
Vendredi, Arnaud Sponar jouera la musique du film en direct – «une musique toujours électronique, avec un côté très organique» – accompagné par la violoniste gruérienne Sabrina Morand (Tyago). «Le projet Clim8 se déclinera ensuite en deux versions: le film sera présenté par les vidéastes dans des festivals en Europe et aux Etats-Unis (notamment à San Francisco) et, de mon côté, je le jouerai en live, en collaborant à chaque fois avec un musicien local, par exemple avec une violoncelliste prochainement à Prague.»

J’étais à New York lorsque j’ai appris que Le Bal du Pendu se reformait. Je serais bien venu, ça m’aurait rappelé des souvenirs.

Cette prestation marquera un retour (ce n’est pas le premier) de Goodbye Ivan à Ebullition, lui qui se souvient parfaitement du premier concert organisé par l’association au Marché couvert avec Le Bal du Pendu. «J’étais à New York lorsque j’ai appris qu’ils se reformaient pour les vingt ans du club, au printemps 2012. Je serais bien venu, ça m’aurait rappelé des souvenirs.» Car Arnaud Sponar est un musicien aux multiples ports d’attache. «A Brooklyn, je suis New-Yorkais. A Genève, je suis Genevois. Et à Bulle, je suis Bullois…»

Infos: www.goodbyeivan.com

 

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