La chanson jazz selon le quartet Kafébleu

Les Fribourgeois de Kafébleu joueront – vendredi à Bulle – leurs versions jazzy de standards de la chanson, issues de leur premier album. Rencontre avec le bassiste Patrick Badoud.kafebleu

par Christophe Dutoit

Sans doute n’avez-vous jamais entendu pareilles interprétations de Serge Gainsbourg: La Javanaise ou Ces petits riens tout en rondeurs suaves, avec une voix féminine des plus onctueuses et des arrangements jazzy savamment revisités. Et que dire de ce Fever, le classique chanté tant par Peggy Lee, Nina Simone qu’Elvis Presley, repris dans une version lancinante, où l’on imagine volontiers une atmosphère d’arrière-cave new-yorkaise. Sans parler d’A night in Tunisia, le standard de Dizzy Gillespie, interprété façon scat plus vraie que nature…

Le point commun entre ces titres emblématiques du patrimoine mondial de la chanson se nomme Kafébleu, qui présentera vendredi son premier album éponyme aux Archives du Buro, à Bulle. Articulé autour de la batteuse Carla Brülhart – connue comme le loup blanc dans le milieu fribourgeois – le quartet se compose encore du pianiste Florian Gandubert, de la chanteuse Chloé Sapin et du bassiste Patrick Badoud, tous deux ressortissants gruériens.

Rencontré la semaine passée dans un café bullois, le quadragénaire revient sur son plaisir de pouvoir «improviser en répétition, de briser et réinventer les structures d’un morceau connu pour en livrer ses propres versions».

La basse électrique est un instrument très jeune dans l’histoire de la musique. La mienne possède six cordes, une plus grave et une plus aiguë que les autres.

Depuis plusieurs années, Patrick Badoud est devenu un semi-professionnel de la basse. «Peu de gens crochent, car cet instrument est très ingrat.» Mais lui est arrivé au terme de ses études au Conservatoire et joue aujourd’hui dans une multitude de groupes, à côté de son travail de veilleur de nuit. «La basse électrique est un instrument très jeune dans l’histoire de la musique. La mienne possède six cordes, une plus grave et une plus aiguë que les autres. C’est une sorte d’histoire d’amour entre elle et moi depuis une quinzaine d’années.»

Depuis tout jeune, Patrick Badoud «entend la basse» dès qu’il écoute un morceau (il tend l’oreille et reconnaît Gregory Porter à la radio). «C’est un instrument avec lequel on peut encore innover, notamment au niveau du doigté, raconte-t-il. Parfois, j’invente un truc le matin et je le joue le soir en concert.»

«Se passer la couverture»
Très influencé par Jaco Pastorius, le mythique bassiste de jazz actif à la fin des années septante, Patrick Badoud ne se contente pas d’être un accompagnateur. «Dans le groupe, chacun a sa place. On se passe la couverture, on ne la tire pas à soi.»

Formé en 2011, le groupe s’est retrouvé l’année dernière au studio de La Fonderie à Fribourg, sous la houlette de Florian Pittet. «On a enregistré plusieurs versions de chaque titre, en improvisant à chaque fois d’une manière différente. Dans le jazz, on ne sait jamais trop ce qui peut se passer. On tourne autour du thème sur une grille d’accords et, pour les solos, on joue sa partition intime. Ensuite, la question se pose à chaque fois: comment refaire à volonté ce qu’on vient de jouer? Et ça, ce sont des années de travail.»

Il m’a fallu vingt ans pour enregistrer mon premier album! J’ai mis du temps à trouver mon son. Et je grandis encore. Je n’ai pas brûlé les étapes.

Considérés dans un premier temps comme une démo, ces huit titres arrivent à l’oreille du patron du label Unit Records, qui accepte de distribuer le disque en Suisse et en Allemagne. Avec, à la clé, des chances de passer à la radio. «La voix de Chloé lui a plu et il a trouvé que notre musique tournait bien rond. C’est très flatteur.»

«Il faudra se lancer»
Pour l’heure, le groupe ne s’est pas encore lancé dans la composition de ses propres morceaux. «Mais ça pourrait venir. Ce disque nous a mis en confiance. Il faudra un jour se lancer…» Et Patrick Badoud d’ajouter sur le ton de la boutade: «Il m’a fallu vingt ans pour enregistrer mon premier album!» Il sourit. «J’ai mis du temps à trouver mon son. Et je grandis encore. Je n’ai pas brûlé les étapes. Je galère un peu, mais la roue va tourner.»

Après avoir fait salle comble à La Spirale en janvier, pour le vernissage du disque, Kafébleu se sent bien sur les planches. «Musicien est un drôle de métier: très solitaire lorsqu’on fait ses gammes quatre heures par jour à la maison et, à l’opposé, très social sur scène.»

Kafébleu
Kafébleu
Unit Records / www.carlabrulhart.com

Bulle, Les Archives du Buro, vendredi 7 février, dès 21 h 30

 

 

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