Gatsby, plus tapageur que magnifique

leopar Karine Allemann

Dans de grands mouvements vertigineux, la caméra monte, descend, remonte et redescend, puis ondule d’une pièce bondée à l’autre, dans la magnifique maison de Long Island, où Jay Gatsby reçoit ses invités. Nous sommes en 1922, la société new-yorkaise s’étourdit d’alcool prohibé et de jazz. Le milliardaire, lui, ne lésine devant aucun excès. Pour adapter le roman de F. Scott Fitzgerald – déjà porté à l’écran en 1974 avec Robert Redford dans le rôle-titre – le réalisateur australien Baz Luhrmann n’hésite pas non plus à en mettre plein les yeux. Avec un bonheur inégal.

Passé une première partie fastidieuse sous forme de tourbillon tapageur, le film se fixe sur les bons rails quand les acteurs, fabuleux, en prennent le contrôle. Il y a bien sûr Leonardo di Caprio, étincelant de nuances, qui, d’un clignement de paupières, passe de l’amoureux candide au malfrat violent, du mytho charmant à l’amant déçu. Le regard fixé sur ce Gatsby qui l’éblouit, Tobey Maguire est parfait de niaiserie contenue. Carey Mulligan (désarmante partenaire de Ryan Gosling dans le film culte Drive) sublime le personnage de Daisy, dont Gatsby est éperdument amoureux. Enfin, moins en vogue que ses illustres partenaires, Joel Edgerton campe l’époux avec une remarquable intensité. Les costumes de style charleston sont somptueux, la bande-son signée Jack White, Jay-Z ou Lana del Rey est excellente.

C’est d’ailleurs ce qu’on peut lui reprocher: en faire trop dans la forme au risque de perdre de la profondeur.

Il fallait de tels acteurs pour assumer sans sombrer le parti pris de Baz Luhrmann qui, on l’a vu avec Roméo + Juliette et Moulin Rouge (on laissera de côté l’incroyable raté Australia) aime tout ce qui bouge et tout ce qui brille. C’est d’ailleurs ce qu’on peut lui reprocher: en faire trop dans la forme au risque de perdre de la profondeur.

Dans ce Gatsby-là, New York est un mirage, les décors féeriques et l’ambiance surréaliste. L’histoire – un étrange milliardaire se fait l’ami d’un simple employé de Wall Street pour tenter de reconquérir son premier amour, mal mariée – tient ici plus du conte que du roman. Un choix osé, mais, après tout, pourquoi pas. Le mystérieux Monsieur Gatsby, dont on ne sait pas grand-chose, mais dont tout le monde parle, n’existe que par le prisme du fantasme de chacun. Qui est-il? D’où vient-il? Tous croient le savoir et le racontent. Normal, dès lors, que la réalité soit artificielle. Les personnages plongent plus bas dans la dépravation et montent plus haut dans le flamboyant. Jay Gastby n’a-t-il pas lui-même fantasmé sa vie?

Gatsby le magnifique, de Baz Luhrmann, avec Leonardo di Caprio, Tobey Maguire, Carey Mulligan et Joel Edgerton

 

 

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