Sugar Man, la fin n’est rien

sugarman2Certaines questions tourmenteront éternellement l’âme créatrice, l’homme à la quête d’une vérité transcendantale, qui brandirait l’art ou la musique à la face des doutes existentiels. Parmi celles-ci,au hasard: quel est l’ingrédient magique qui détermine l’excellence? Le talent est-il quantifiable? Qu’est-ce que la grâce? Pourquoi un tel devient-il une icône tandis qu’un millier d’autres, aussi brillants soient-ils, resteront à jamais méconnus?

Une certitude émerge cependant: les quinze fameuses minutes de gloire warholiennes s’appliquent de façon bien inégale. Ainsi, pendant que la médiocrité ambiante fait des ravages, un fils d’immigré mexicain n’aura jamais effleuré le succès qui aurait dû être le sien. Cet homme, c’est Rodriguez. Prénom: Sixto, en référence à sa place dans la famille.

Passé les premières minutes légèrement poussives, Sugar Man, du Suédois Malik Bendjelloul déroule l’histoire incroyable d’un songwriter folk-rock de Detroit, ville crasseuse et infertile s’il en est, incroyablement talentueux, mais injustement ignoré dans son pays. Rodriguez, une voix et des paroles d’une sensibilité toujours sur le fil, compose deux disques à une année d’intervalle puis disparaît.

Sixto Rodriguez, deux albums, l’échec et la gloire… sans le savoir.

En 1974, l’album Cold Fear se retrouve par hasard dans une Afrique du Sud en plein apartheid, où la musique du chanteur trouve une résonance toute particulière à l’encontre de l’establishment local et où il devient une idole. Pendant ce temps, Rodriguez a subi un échec monumental dans son pays et retourne à son travail de manoeuvre, sans connaître le retentissement de sa musique de l’autre côté de l’Atlantique.

Puis des rumeurs courent: il se serait bouté le feu sur scène lors d’un concert et serait mort. Le documentaire avance, les détectives musicaux rament pendant des années et puis le retrouvent… Mais nous n’en révélerons pas plus à propos de ce conte noir du rock qui ferait passer Wim Wenders et sa bande de vieillards cubains pour des midinettes. Si les questions existentialo-artistiques ne sont pas toutes balayées, une réponse se dessine en filigrane: la fin n’est rien. Le chemin et l’attitude sont tout.

Paulo Wirz

Sugar Man, de Malik Bendjelloul

notre avis: ♥♥♥♥

 

 

Posté le par Eric dans Cinéma, Critiques Déposer votre commentaire

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