Audrey Hepburn, vingt ans après

Souvenirs. Il y a tout juste vingt ans, le 20 janvier 1993, Audrey Hepburn s’éteignait dans sa maison de Tolochenaz. La charmante bourgade près de Morges garde aujourd’hui le souvenir de cette grande dame du cinéma qui a donné son nom à la place centrale du village.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

texte et photos Christophe Dutoit

A quelques mètres du cimetière de Tolochenaz, une patrouille de police attend désespérément un véhicule à contrôler. Ce mardi après-midi-là, la campagne au-dessus de Morges semble plongée dans une douce léthargie d’après-réveillon. Il n’y a personne dans ce petit rectangle de verdure au milieu des prés au moment où s’entrouvre le portail en fer forgé. Enfin, peut-on dire qu’il n’y a personne dans un cimetière?

Sur la droite, adossé à un muret de pierre que le soleil peine à réchauffer, le souvenir d’Audrey Hepburn repose, paisible, comme le nom que l’actrice donna à sa maison, distante de deux cents mètres.audrey8

Audrey Hepburn. Ce nom sonne aujourd’hui comme le firmament de l’élégance, le sommet du raffinement, la classe à l’état pur. Découverte à Broadway dans Gigi, de Colette, la jeune actrice remporte un oscar, en 1954, pour son premier rôle à Hollywood. Elle avait 24 ans, elle rayonnait d’insouciance et d’espièglerie dans Vacances romaines au côté de Gregory Peck, qui insista pour que son nom figure en haut de l’affiche, au même niveau que le sien.

Dans cette comédie romantique tournée à Cinecittà, Audrey Hepburn personnifie la beauté moderne, farouchement distinguée, à l’inverse de la féminité sex-symbol de la pulpeuse Marilyn Monroe, avec qui elle partage toutefois les mêmes réalisateurs durant les années cinquante (Billy Wilder et George Cukor notamment). Avec sa taille de guêpe, héritée d’une période de malnutrition durant la Seconde Guerre mondiale, Audrey Hepburn incarne la femme féline, presque androgyne. Son passé de danseuse classique n’est d’ailleurs pas étranger à ce port altier qui irradie autant les spectateurs que les jeunes filles bientôt convaincues par ce style révolutionnaire. En effet, Audrey Hepburn devient l’égérie d’Hubert de Givenchy, qui dessine tous les vêtements qu’elle porte désormais dans ses films. Elle deviendra ainsi, aux yeux de certains, autant reconnue dans le milieu de la mode que dans celui du 7e art.

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Deux roses coupées
Dans le cimetière de Tolochenaz, deux roses coupées se fanent irrémédiablement sur sa tombe très sobre, sans doute entretenue par quelque anonyme. Jusqu’au début des années 2000, une quarantaine de bénévoles se relayaient pour gérer le Pavillon Audrey Hepburn, un petit musée à deux pas du cimetière, où étaient exposés des photos, des affiches de film et même ses Academy Awards, prêtés par sa famille.

Aujourd’hui, la Fondation Audrey Hepburn a été dissoute, après que le premier fils de l’actrice se fut opposé à l’utilisation du nom de sa maman. Alors même que les recettes générées étaient reversées aux bonnes œuvres…

Une bien étrange affaire qui aurait sans doute désolé celle qui fut nommée, au soir de sa vie, ambassadrice du fonds pour l’enfance de l’Unicef, pour lequel elle consacra l’énergie de l’espoir. Celui qu’elle avait lors-que la faim la tenaillait, alors que les nazis tenaient sa ville d’Arnhem (Hollande) et qu’elle transmettait en douce des messages pour la Résistance.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Le soleil a désormais disparu derrière un léger voile de brume. La balade se poursuit dans le vieux bourg de Tolochenaz, encore préservé de la circulation qui se fait entendre au loin. Devant l’administration communale, une ravissante place a été récemment aménagée à son nom, autour de la fontaine. Sur un bloc de marbre gris, son buste grandeur nature rappelle Vacances romaines et sa fameuse scène au pied du Castel Sant’Angelo.

Sur ses lèvres de bronze
Magnifiée par un noir et blanc luxuriant, la princesse Ann s’étourdissait alors dans les bras de Joe Bradley. Après une baignade forcée dans le Tibre, le séduisant reporter lui vola l’un des baisers les plus torrides de l’histoire du cinéma. Si deux membres de la voirie n’étaient pas attachés à démonter le sapin de Noël à ce moment précis, on se serait peut-être surpris à déposer un doux baiser sur ses lèvres de bronze…

La curiosité aidant, on s’approche des travailleurs. «Pouvez-vous me dire où se situe la maison d’Audrey Hepburn?» Du haut de son échelle, Hubert Gélin montre la petite rue qui débouche sur la place. Ouvrier municipal depuis vingt-trois ans, ce Jurassien se souvient très bien de l’hôte de La Paisible. «J’ai même pu tenir son oscar dans les mains! raconte-t-il non sans fierté. J’avais été invité à déguster un alcool de myrtille par son jardinier, un Sarde, à qui j’avais rendu un service.»


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Durant les trente ans passés à Tolochenaz, Audrey Hepburn a laissé le souvenir d’une mère de famille tout ce qu’il y a de plus normale, qui allait chercher ses enfants à l’école et qui laissaient ceux des voisins traverser la haie pour batifoler dans ses jardins. Tout au plus a-t-elle offert un jour à tous les enfants du village, pour fêter l’anniversaire de l’un de ses fils, un déplacement au cinéma Palace de Lausanne, pour visionner Le livre de la jungleOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Encore quelques foulées et notre escapade s’achève devant La Paisible. Sur le mur extérieur, une plaque rappelle qu’Audrey Hepburn a vécu dans cette magnifique demeure depuis 1963. Pas à temps complet, non. Mais en villégiature, entre deux séjours à Rome, avec son second époux, le neurologue Andrea Dotti. Rachetée après sa mort en 1993, la bâtisse semble porter son nom à merveille. On flâne et on se dit qu’on regarderait volontiers Diamants sur canapé, ce soir devant sa télé. Juste pour le souvenir… 

Réédités cette année au cinéma, Vacances romaines de William Wyler (1953) et Diamants sur canapé de Blake Edwards (1961) sont disponibles en DVD.

 

 

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