Yoki, l’envol dans l’or de l’automne

Peintre et chantre du verre, Yoki Aebischer s’est éteint lundi à Givisiez à l’âge de 90 ans. Le canton de Fribourg perd l’un de ses plus grands artistes.

par Marie-Paule Angel

On le savait très fragilisé dans sa santé (à 90 ans passés, il souffrait de la maladie d’Alzheimer). Lundi soir, Yoki a traversé le miroir pour se diluer dans la lumière, cette lumière qui, au cœur de l’automne, est si belle que même les feuilles se parent d’or pour cet ultime envol.

Yoki est né Emile Aebischer le 21 février 1922, à Romont. Une ville restée chère au cœur de cet artiste qui aimait travailler dans son atelier moulin de Courtaney, près du lac de Seedorf. Il considérait d’ailleurs comme une chance le fait d’avoir vu le jour à Romont. Car c’est dans cette Glâne aux paysages doux comme du velours dans la lumière que le jeune Yoki voit naître sa vocation de chantre du verre. Tout jeune, ce fils d’un sellier tapissier singinois pédale à travers la campagne glânoise pour aller s’émerveiller devant les vitraux d’Alexandre Cingria à Siviriez.

Obligé de gagner sa vie très jeune, il travaille comme garçon livreur et apprenti pâtissier, puis il découvre les secrets de la fabrication du verre dans l’usine Electroverre à Romont… Un jour, se produit «la» rencontre qui fait basculer son destin.

Avec le groupe Saint-Luc
En 1938, sa route croise en effet celle de Fernand Dumas, le très fécond architecte d’église, qui évolue dans le milieu culturel en pleine effervescence de l’avant-guerre. Grâce à Fernand Dumas, Yoki touche le rêve des yeux en côtoyant alors les Cingria, Severini, Beretta et autres artistes de cette pépinière du Groupe Saint-Luc, engagé pour la rénovation de l’art sacré.

Au final, Yoki, qui se forme également à Paris, créera plus de mille vitraux, qui décorent des églises en Suisse, en France, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, et même en Israël (basilique de Nazareth) ainsi qu’en Afrique… Artiste curieux de tout, Yoki laisse encore d’innombrables peintures, fresques, gravures, tapisseries, marqueteries… En Glâne, son œuvre rayonne tout particulièrement dans l’église de Mézières.

Pionnier du Vitromusée
Cofondateur, en 1981, du Musée du vitrail – aujourd’hui Vitromusée – Yoki en avait été l’hôte, en 2002, pour la rétrospective de son 80e anniversaire. En 1996, Yoki fut fait chevalier des Arts et des Lettres par la France. Doyen de Visarte, la société suisse des artistes visuels, il était aussi le fondateur et président d’honneur de la Société des amis du Musée d’art et d’histoire de Fribourg. A sa famille (Yoki était le père de Patrick Aebischer, président de l’EPFL à Lausanne) ainsi qu’à ceux qui l’aimaient, La Gruyère exprime ses condoléances.

 

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